Depuis le 1er janvier 2024, la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) impose au secteur financier et aux grandes entreprises des normes plus strictes et des standards européens (ESRS) pour évaluer l’impact des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Comment l’IA peut permettre de mesurer l’impact exact d’actions ESG ? Quels sont les avantages spécifiques de l’utilisation de l’IA dans une plateforme de pilotage des données pour garantir la conformité à la CSRD ? Réponses avec MartinAlteirac, AI Lead chez Saegus, cabinet de conseil spécialisé dans la transformation numérique à travers l’IA et la data.
The Good : En matière de durabilité, l’intelligence artificielle divise. Selon vous, l’IA représente-t-elle un atout ou un danger ?
Martin Alteirac : Les deux ! L’IA est à la fois une ressource qui demande de l’énergie et qui consomme des ressources naturelles. Mais c’est aussi une technologie formidable qui permet par exemple d’éviter de prendre l’avion… Une chose est sûre : l’IA révolutionne le paysage du reporting de durabilité.
The Good : En quoi l’IA peut-elle aider à être conforme à la CSRD ?
Martin Alteirac : L’intégration de l’IA révolutionne le processus de reporting. Certaines entreprises peuvent l’utiliser pour automatiser l’analyse de données non structurées, réduisant ainsi considérablement les coûts et les ressources humaines nécessaires à cette tâche. Elle peut aussi être utilisée pour optimiser son reporting RSE, mesurer l’impact des actions RSE, analyser l’impact carbone des achats ou encore réduire l’empreinte carbone des Data Platforms.
The Good : Selon vous, il y a une problématique actuelle de mauvaise gestion des données RSE au sein des entreprises ? L’IA serait la solution selon vous ?
Martin Alteirac : Oui absolument ! L’IA peut aider à piloter la consommation d’énergie de son bâtiment par exemple en la simulant grâce à un algorithme pour obtenir des données précises sur ses économies. Elle peut aussi permettre de calculer plus précisément l’empreinte carbone de scop 3 d’une entreprise en réalisant une estimation de l’impact CO2 de ses fournisseurs.
Mais l’IA peut aussi optimiser les indicateurs de reporting ESG et leur analyse dans le but de détecter des pistes de gains intéressants. Cela peut concerner la mixité au sein de l’entreprise comme la biodiversité.
The Good : Pouvez-vous nous donner un exemple dans lequel d’IA au sein d’une plateforme de pilotage des données permet d’être en conformité avec la CSRD ?
Martin Alteirac : Zei est par exemple une plateforme technologique qui offre une solution d’évaluation, de pilotage et de communication de la RSE. Elle permet aux entreprises de gérer, structurer et rapporter efficacement leurs données ESG. Elle offre aussi la possibilité de détecter les impacts ESG, d’harmoniser la gestion et de construire les plans d’action RSE en lien avec les standards de référence. Afin d’aller plus loin, Saegus travaille à l’intégration de l’IA générative dans la plateforme. Cette nouvelle fonctionnalité permettra d’importer et d’analyser facilement les données non structurées à partir de diverses sources (pdf, graphiques, textes…), ce qui facilitera le processus d’intégration des données existantes dans l’outil. En effet initialement, c’est une tache manuelle très chronopage que de rentrer ces données à la main dans la plateforme. Or grâce à l’IA, le coût humain lié à la saisie des données est considérablement réduit, ce qui a pour conséquence d’allouer ces ressources à des tâches à plus grand valeur telles que la transformation des produits et services dans une visée plus sobre.
The Good : De quelle manière l’IA peut-elle mesurer l’impact d’actions ?
Martin Alteirac : Un algorithme à base d’IA peut avoir un intérêt dans l’amélioration des performances énergétiques pour démontrer la corrélation entre les actions recommandées et les améliorations observées. Dans un cas d’usage d’IA intégrée à une démarche RSE, notre objectif était d’évaluer l’impact des actions spécifiques prises en vue de diminuer son empreinte énergétique versus une situation où ces actions n’auraient pas été entreprises. La question clé étant de s’assurer que les mesures effectuées sont directement liées au plan d’action mis en place. L’algorithme basé sur l’IA mis en place avait donc pour but de prédire quelle aurait été la mesure sans que l’action n’ait été réalisée, pour pouvoir la comparer avec la mesure réelle, et déduire ainsi l’impact. C’est une mission que nous avons par exemple réalisé fin 2022 pour une société de conseil, en mettant au point une plateforme de données pour améliorer les performances énergétiques de leurs clients.
The Good : Pouvez-vous nous donner un exemple de mesure de l’impact carbone lié aux achats rendu possible grâce à l’IA ?
Martin Alteirac : Pour la plupart des entreprises de distribution, le poste « Achat » représente le plus gros des émissions carbone. Ces entreprises doivent les évaluer pour l’ensemble de leurs produits, ce qui représente un travail titanesque. Un acteur majeur de la distribution de produits culturels va par exemple les calculer à partir de toutes ses catégories de produits. Or la Data et l’IA viennent ici en renfort. Après que le travail d’analyse fastidieux a été réalisé sur 5% à 10% des produits représentatifs de l’entreprise, les algorithmes permettent une automatisation à grande échelle, réalisant ainsi les 90% à 95% restant.
The Good : Comment l’IA peut-elle aider les entreprises à réduire l’impact carbone de leur Data Platform ?
Martin Alteirac : L’IA peut être mise au service de la mesure et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à l’usage du cloud. Un outil à base d’IA a été créé pour mesurer, analyser et réduire les émissions des Data Platform en optimisant la manière dont celles-ci sont utilisées. En utilisant les données d’émission carbone en temps réel pour l’ensemble des data platform, il recommande d’utiliser une plateforme plutôt qu’une autre… le tout, en garantissant la satisfaction des objectifs business poursuivis par les projets et produits qu’elles hébergent.