L’observatoire du Mont Aigoual, dans le Sud de la France, où se sont succédé des générations de météorologues dans des conditions de vie souvent dantesques, change ce week-end de vocation et devient le « Climatographe », espace de sensibilisation au réchauffement climatique.
L’observatoire du Mont Aigoual, dans le Sud de la France, où se sont succédé des générations de météorologues dans des conditions de vie souvent dantesques, change ce week-end de vocation et devient le « Climatographe », espace de sensibilisation au réchauffement climatique. Tempêtes de neige, vents violents, brouillards… Il peut faire (très) froid ou (très) chaud à 1.567 mètres d’altitude, au point culminant du Gard, où se dresse la lourde bâtisse de pierres de l’observatoire, construit en 1894. Ici, où par beau temps la vue porte des Pyrénées aux Alpes et à la Méditerranée, des records ont été enregistrés au fil des décennies: de -28 degrés pendant le terrible hiver 1956 à 29,9°C en juin 2019. Des rafales à plus de 300 km/h ont aussi été mesurées en novembre 1982 et 1,86 m de neige y est tombée en 24 heures en février 1976. En moyenne, le brouillard est présent 240 jours par an et la pluie 164 jours.
Fin septembre, les derniers techniciens permanents de Météo-France quitteront les lieux, l’automatisation de la station météo et des mesures d’économies ayant décidé l’institut météorologique à mettre fin à sa présence permanente dans ce coin reculé des Cévennes. Redouté depuis longtemps, ce désengagement a fait craindre à certains que le célèbre observatoire d’altitude, l’un des plus anciens de France, qui accueille 70.000 touristes par an, tombe rapidement en déshérence. Mais, racheté et réhabilité par la communauté de communes « Causses Aigoual Cévennes-Terres solidaires », le bâtiment emblématique, rebaptisé « Climatographe », entamera vendredi sa nouvelle vie lors d’une cérémonie officielle. A partir du 8 juillet, le public pourra visiter sa nouvelle grande exposition consacrée à la crise climatique (entrée payante). Lors de sa création à la fin du XIXe siècle, l’observatoire appartenait au service des Eaux et Forêts, qui s’en est servi pour reboiser le massif de l’Aigoual en y plantant 68 millions d’arbres.
Le premier chant du coucou
Les premiers occupants ont aussi rapidement commencé à noter leurs observations sur de grands registres, dont des fac-similés sont à présent affichés aux murs: températures et vitesse du vent, bien sûr, mais aussi relevés des premières neiges, du premier chant du coucou, du passage d’une troupe de loups ou du foudroiement d’un troupeau de brebis. En 1943, des météorologues ont pris la suite des forestiers et, pendant plus d’un demi-siècle, se sont relayés, passant une semaine sur deux à l’écart du monde, voire plus en cas de tempête de neige. Puis, en 2011, Météo-France a entièrement automatisé sa station. Une poignée de techniciens y a été maintenue, essentiellement pour faire visiter une petite exposition consacrée à la météo qu’ils avaient construite de leurs mains.
« L’idée, c’était de faire comprendre les conditions hivernales aux gens qui venaient en été. L’hiver, on en profitait pour faire de nouvelles maquettes« , se souvient Rémy Marguet, le dernier technicien météo du Mont Aigoual, qui prendra sa retraite fin septembre après une dernière saison d’accueil des touristes.
« Nouvel élan »
A l’avenir, des médiateurs embauchés par la communauté de communes se chargeront des explications. « Je comprends l’émotion que cette transition peut susciter, mais la station automatique du Mont-Aigoual ne ferme pas et Météo-France reste partenaire de la nouvelle structure« , a expliqué le directeur régional sud-est de Météo France, Frédéric Atger. « C’est un nouvel élan« , considère Laurent Bonnard, le directeur du « Climatographe », en soulignant que son contenu a été validé par un comité scientifique dirigé par la célèbre paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte.
Interactive et accessible à partir de 6 ans, la visite propose des panneaux photos, des extraits sonores et vidéos et des graphiques, mais aussi une « fresque de la renaissance écologique qui permet à chacun de proposer des solutions pour lutter contre le réchauffement », ajoute M. Bonnard. « C’est vrai, on apprend beaucoup de choses, c’est très moderne. Mais cela fait tellement longtemps que les rapports du GIEC sont alarmants… N’en est-on pas à un stade où il faudrait être plus radical que d’aller à la déchèterie et chez les producteurs locaux?« , s’interrogeait en fin de parcours la documentariste Muriel Barra, qui a pu visiter l’exposition en avant-première.