Exploiter les algues n’est-ce pas détruire la biodiversité ? Les algues toxiques peuvent-elles servir à produire du biogaz ? Comment bien distinguer le marché des algues (alimentaires) et celui des micro algues (biotech)? Pour explorer les fonds marins de ces nouvelles bluetech pleines de potentiel, Fermentalg nous aide à mieux décrypter les formidables enjeux économiques et les impacts positifs du marché des micro-algues. Rencontre avec Philippe Lavielle, CEO de Fermentalg.
La filière des algues alimentaires est un marché mondial qui pèse 5 milliards d’euros dominé par la Chine avec 54% du marché. Composées entre 70% et 90% d’eau et riches en minéraux, 21 espèces d’algues comestibles sont autorisées en France.
Grâce au dynamisme de sa région Bretagne (projet Idealg), la France parvient à se hisser dans le top 10 mondial.
Mais derrière le marché florissant des macro-algues se cache une mine d’or moins connue mais pleine de promesses : les micro-algues.
Les bluetech comme Fermentalg, Algae, Algawell ou Greensea se sont emparées de cet nouvel or bleu avec des applications multiples comme l’agroalimentaire en tant que texturant et colorant alimentaire, la chimie et la microbiologie, la cosmétique, les compléments alimentaires comme la spiruline mais aussi les engrais et les protéines alternatives.
Les micro-algues, premier maillon indispensable à notre survie sur Terre, sont les premiers producteurs d’oxygène mais également premier consommateur de dioxyde de carbone essentiel dans la stabilité du climat.
Certaines entreprises biotech utilisent ainsi le fabuleux potentiel des micro-algues pour développer des solutions pour filtrer les eaux usées ou capturer le carbone. Pour bien comprendre la valeur ajoutée du marché des micro-algues et de son impact positif pour la planète bleue, entretien plein de sel avec Philippe Lavielle, CEO Fermentalg pour décrypter la question verte et faire bouger les lignes de l’économie bluetech à impact.
The Good : Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots les contours de l’activité de Fermentalg? N’est-il pas compliqué d’adresser des marchés aussi différents que la santé, les protéines alternatives et la qualité de l’air?
Philippe Lavielle : Fermentalg est une société de biotechnologie spécialisée dans la biologie des micro-algues pour fabriquer des solutions nouvelles dans le domaine de la santé, de l’alimentation et des solutions environnementales. Nous utilisons la biologie des micro-algues très large qui nous permet d’avoir accès à des métabolismes qui produisent des molécules utiles pour la santé humaine comme les oméga 3 un axe de production reconnu de façon durable. Notre deuxième plateforme est la production de protéines alternatives. Notre troisième secteur d’activité est très différent car nous utilisons la puissance photosynthétique des micro-algues pour faire à la fois de la capture de carbone et de la dépollution. Nous travaillons en effet sur trois secteurs différents mais de façon séquencée. Les oméga 3 sont déjà dans le commerce avec des solides partenariats. L’activité protéine est au stade de scale up et d’industrialisation. La 3ème activité de captation carbone est encore stade de développement et se déployera autour de 2024-2025. Cela nous permet de passer d’une activité à l’autre et de faire un roulement de ressources et d’adresser les marchés plus rapidement avec des partenariats comme avec DSM Nutrional Products pour les Oméga 3 DHA Origins ou avec Suez où nous avons construit un partenariat stratégique pour les puits de captation carbone et le traitement de la pollution de l’air.
The Good : Comment sourcez-vous vos matières premières ? Y a-t-il un label de traçabilité des algues que vous utilisez dans la fabrication de vos marques notamment pour vos compléments alimentaires Oméga 3 vegan ?
P.L. : Nous fabriquons nos produits nous-même par une technique de fermentation industrielle des algues. Nous n’allons pas prélever des micro-algues dans les océans mais nous cultivons nous-même nos micro-algues à partir de la biomasse algale dans nos laboratoires. La source microbienne de ses souches est parfaitement contrôlée.
The Good : Sur le marché des protéines alternatives maintenant très bataillé, quelle est votre valeur ajoutée face à des sociétés comme Ynsect ou Beyond Meat ?
P.L. : Le segment des protéines végétales est en pleine expansion et en plein développement technologique. Il y a une demande très importante pour de la protéine végétale pour favoriser la préservation de l’environnement en limitant la consommation de ressources animales. Il se trouve qu’il existe aussi un segment de protéines dites alternatives qui vont venir en complément des protéines végétales. Notre protéine issue de la biomasse algale a des caractéristiques intrinsèques tout à fait différenciées par rapport la protéine de pois ou de soja. Nous avons deux stratégies clairement différenciées : une sectorielle visant l’alimentation sportive ou celles des seniors avec des régimes hyper protéinés et aussi une stratégie de complémentarité pour répondre à certaines carences en apports d’acide aminés ou de minéraux que n’ont pas les autres protéines végétales.
The Good : Vous faites partie de L’Alliance Protéines France. Envisagez-vous d’autres alliances ou partenariats pour accélérer votre impact et faire bouger les lignes de la biotech?
P.L. : Nous sommes un nouveau membre de Protéines France qui promeut l’approvisionnement en protéines en France. Nous sommes très heureux de pouvoir contribuer à notre humble niveau dans cette association. D’un autre côté nous sommes membre du GOED Omega3 à l’international qui contribue à promouvoir les bienfaits structurels et du développement durable des Oméga 3 dans le monde.
The Good : Pouvez-vous nous décrire le dispositif bulle d’air que vous avez mis en place pour améliorer la qualité de l’air dans les écoles d’ile de France avec Suez. Quels sont vos objectifs et les premiers résultats?
P.L. : Le pilote que nous avons lancé à Poissy est le fruit de plusieurs années de recherche et développement avec Suez. Cette machine va d’abord aspirer l’air vicié qui contient des particules fines et des oxydes d’azote dans les cours de récréation des écoles. Ces substances nocives récupérées dans des membranes seront nettoyées par les micro algues. On utilise le métabolisme des micro algues pour nettoyer les polluants de l’atmosphère. C’est un assemblage de technologies qui permet d’avoir des systèmes autonomes. Nous aurons des premiers résultats sur cette école d’ici 6 mois et bien sûr beaucoup de collectivités locales nous ont approché car la qualité de l’air est un enjeu majeur de santé publique.
The Good : Fermentalg est cotée en Bourse. Avez-vous mis en place des indicateurs extra financiers ESG pour tenir compte de vos impacts sociaux et environnementaux?
P.L. : Oui nous avons un indice annuel réalisé par Gaia Rating et un suivi de certains indicateurs ESG. C’est une démarche que nous avons entamée il y a deux ans et sur lequel nous travaillons actuellement.