(contenu abonné) Lyon a été primée pour la gestion durable de ses grands événements : la Ville a obtenu la certification ISO 20121 délivrée par l’AFNOR. Rencontre avec Audrey Hénocque, première adjointe en charge des finances et des grands événements de la ville de Lyon, qui nous explique les mesures prises, notamment sur la Fête des Lumières.
The Good : Pourquoi avez-vous souhaité (et obtenu !) cette norme ? Que vient-elle certifier et sur quels critères ?
Audrey Hénocque : Nous avons souhaité obtenir cette norme ISO 20121 accordée par l’AFNOR pour montrer que l’on peut concilier grands événements et responsabilité environnementale et sociale. Ce qui nous a plu, c’est que c’est une norme de management ; c’est-à-dire qu’il n’y a pas forcément d’objectifs précis imposés par l’AFNOR. Il convient, cependant, de démontrer que nous avons vraiment mis en place un travail collaboratif, établi des procédures suivies ainsi qu’objectivées, et de démontrer que nous sommes engagés dans un processus d’amélioration continu.
C’est l’ensemble de la Ville qui a été certifiée pour tous les événements qu’elle organise. Avec l’AFNOR, nous avons, cette année, choisi d’auditer la Fête des lumières 2023, notre événement le plus impactant puisqu’il réunit plus de 2 millions de visiteurs sur 4 jours, début décembre. Et l’organisme a confirmé notre engagement. A présent, nous devons le décliner sur nos prochains événements tels le Festival « Entre Rhône et Saône », le Festival « Tout l’monde dehors », ainsi que nos participations à de grands événements sportifs. Nous allons, par exemple, bientôt accueillir la Flamme paralympique.
The Good : Pour être plus responsable, vous auriez pu choisir de limiter les événements…
Audrey Hénocque : La Ville de Lyon a une tradition d’organisation de grands événements importants et reconnus. Lorsque l’exécutif écologiste et social est arrivé en responsabilité en 2020, il a eu la volonté de renforcer ces grands événements, car il est essentiel dans une ville d’avoir des moments de partage, autour de la découverte artistique, de la pratique sportive, de la biodiversité, etc. Se retrouver sur des sujets fédérateurs est une question de bien vivre ensemble. Mais cette volonté de développement était couplée à celle de limiter l’impact de nos événements sur l’environnement et la population.
C’est une question que beaucoup de grands festivals se posent car les grands événements ont un impact nocif sur l’environnement, du fait du déplacement d’un grand nombre de spectateurs mais aussi car ils génèrent beaucoup de déchets, posent des problèmes en termes d’usage de l’eau et d’énergie.
The Good : Quels axes de travail avez-vous retenus ?
Audrey Hénocque : Nous avons défini trois grands enjeux stratégiques. Le premier est de contribuer à la politique environnementale sur tous nos événements, avec trois objectifs à atteindre pour 2030 : tendre au zéro déchet, atteindre 90% des déplacements réalisés en mobilité durable, et agir sur l’alimentation que l’on propose sur nos événements : il faut que 90% de l’alimentation soit composée de produits locaux et de saison.
Le deuxième enjeu est de rendre nos événements accessibles et inclusifs. Accessibles aux personnes handicapées mais aussi accessibles au plus grand nombre, en touchant les neuf arrondissements de la Ville. En intégrant tous les habitants, même ceux des quartiers défavorisés. Nous développons, par exemple, des médiations avec certains publics en s’appuyant sur les associations d’éducation populaire, nous proposons des actions participatives aux habitants telles une contribution à des créations d’œuvres.
Le troisième enjeu est la planification de la gouvernance en vue d’assurer une amélioration continue.
TheGood : Lorsque vous parlez d’atteindre 90% de produits bio/locaux ou de saison … vous parlez de quel type de restauration ?
Audrey Hénocque : Sur tous nos événements, nous proposons des espaces de restauration. Nous lançons un appel à projets pour retenir des restaurateurs écoresponsables. Notre cahier des charges prévoit notamment une alternative végan, le zéro déchet – avec des contenants récupérés -, une alimentation bio ou de saison, ou locale (produite dans un rayon maximal de 200km). Nous voulons éviter l’impact négatif d’une consommation excessive de produits venant de loin, d’une grosse production de déchets et d’une trop grande consommation de viande. En parallèle, nous installons des fontaines pour que les gens puissent remplir leurs gourdes ou leur proposons des éco-cups, qui sont ensuite récupérées. Il s’agit de verres blancs pour éviter toute envie de collection.
The Good : Comment travaillez-vous sur les mobilités durables ? Quels partenariats avez-vous établis ?
Audrey Hénocque : La question des déplacements est la plus compliquée à gérer. Nous avons un accord avec la SNCF qui offre des billets TER à moitié prix ; un accord transports en communs avec TCL (métro, bus, tramway et funiculaire) pour des billets moins chers, et même gratuits le 8 décembre. Cette année, ils ont battu tous les records de transport puisqu‘ils ont transporté 2 millions de personnes sur la journée du 8 décembre.
TheGood : La question de l’énergie n’est certainement pas facile à gérer non plus, notamment sur la Fête des Lumières. Quelles sont vos possibilités d’action sur ce pan ?
Audrey Hénocque : Nous faisons très attention à la consommation en électricité. Nous n’avons plus de groupes électrogènes sur nos événements, ce qui n’est pas évident. Pour la Fête des Lumières, il est difficile d’avoir l’apport en énergie nécessaire pour faire fonctionner les oeuvres lumières, mais nous avons trouvé des solutions avec Enedis pour avoir des lignes temporaires et éviter les générateurs au fioul.
TheGood : Les feux d’artifice étant très nuisibles à la faune et à la flore, les avez-vous supprimés ?
Audrey Hénocque : Non. Ces moments de partage et d’éblouissements en commun nous semblent essentiels. Mais nous travaillons à les rendre plus écoresponsables. Pour le feu d’artifice du 14 juillet de l’été dernier, nous avons, par exemple, utilisé des solutions d’effarouchement pour faire fuir les animaux en amont. En cas de feu d’artifice, les oiseaux peuvent faire des crises cardiaques. Tout est ainsi pensé pour être le plus écoresponsable possible.
TheGood : Quel est l’impact financier de votre démarche ? Est-il plus onéreux d’organiser des événements responsables que non responsables ?
Je pense que cela se vaut. Il y a des postes sur lesquels nous économisons en misant sur la sobriété, et d’autres sur lesquels nous dépensons plus. In fine, le plus onéreux est le coût humain. Prenons le dispositif handi-accueil, par exemple, destiné à accueillir et accompagner les personnes en situation de handicap : en 2023, 900 personnes en ont bénéficié. Il est mis en place avec des associations partenaires qu’il faut financer. Il comporte aussi du matériel dont des gilets vibrants pour les personnes sourdes – l’oeuvre est alors ressentie en vibrations -, ou des systèmes d’audiodescription pour les personnes mal-voyantes, des rampes d’accès, etc. Nous avons dépensé 20 000 euros pour ces équipements en 2022 et 30 000 euros en 2023. Et nous allons continuer à investir sur ces dispositifs.
Ces événements coûtent très cher et nous avons besoin de soutien de mécènes. Nous en avons déjà … mais nous avons besoin d’en avoir plus ! La Fête des Lumières nous coûte plus de 2 millions d’euros (coûts directs) et nous percevons 1,1 million d’euros en mécénat. Sur place, conformément à notre engagement contre la discrimination, tout est gratuit. Quant au Festival Entre Rhône et Saône, qui nous coûte 750 000 euros (coûts directs), il est financé à hauteur de 350 000 euros par des mécènes. Globalement, un tiers du financement de nos grands événements est assuré par le mécénat.
TheGood : Quels sont les axes d’amélioration sur lesquels vous souhaitez travailler en priorité ?
Audrey Hénocque : Nous allons poursuivre les actions sur tous les axes évoqués, mais l’objectif zéro déchet est une grosse gageure, car sur ce type d’événements, il y a toujours des déchets. Pour autant, nous avons des idées ! Nous souhaitons, par exemple, que les œuvres créées spécialement pour les événements soient en partie, voire totalement recyclées. Pour le Festival entre Rhône et Saône, par exemple, l’artiste qui a créé La Mâchecroute doit réemployer les matériaux pour créer une nouvelle œuvre ou lui trouver une nouvelle destination.
Nous souhaitons aussi améliorer l’accessibilité de nos événements aux personnes à mobilité réduite, en s’appuyant notamment sur nos partenaires. L’an dernier, nous avons fait une super opération sur la Fête des Lumières qui a vu naître un partenariat entre Keolis, – qui a contribué à hauteur de 80 000 euros à l’amélioration de l’accessibilité, et qui a collaboré avec une startup, qui s’appelle Andyamo, sur une application de transports en communs pour établir et vérifier les parcours accessibles aux personnes en situation de mobilité réduite. Ils ont travaillé sur tous les trajets potentiels, sur tous les sites de la Fête des Lumières, et défini les meilleurs trajets pour y aller. C’est un vrai beau partenariat.
Nous sommes, avec tous nos partenaires (associations, clubs sportifs, entreprises, etc.), dans une dynamique commune. Nous allons nous améliorer… et nos partenaires aussi.