11/02/2025

Temps de lecture : 5 min

« Ne vous demandez pas si vous pouvez agir, mais comment vous allez le faire », Thomas Breuzard (Norsys, B Lab France)

Thomas Breuzard, directeur permaentreprise du groupe Norsys et co-président de B Lab France, la division française du label B Corp, se livre à The Good sur ses missions et sa vision de la responsabilité sociétale des entreprises mise à mal en 2025.

The Good : Quel est votre regard sur l’actualité internationale de ce début d’année ?

Thomas Breuzard : Ce début d’année expose une fracture grandissante entre ceux qui s’accrochent à un modèle destructeur et ceux qui bâtissent une économie qui prend soin du vivant.

Un exemple criant : le recul des ambitions climatiques en Europe sous la pression de lobbys économiques. Alors que chaque dixième de degré compte et que le vivant s’effondre, voir des gouvernements tenter de détricoter le Green Deal est un signal alarmant.

Autre enjeu stratégique : la course aux matières premières critiques. La transition écologique ne doit pas devenir une nouvelle forme de domination économique, sinon elle sera tout sauf juste et inclusive.

Dans ce contexte, l’essor fulgurant de l’IA générative amplifie le sentiment de vertige. Plus rapide que la régulation, plus puissante que prévu, elle redessine nos sociétés à une vitesse effrénée, qu’on peine à maîtriser, à comprendre même…

Nous vivons une dissonance énorme : le chaos du vieux monde résonne encore tandis que la mélodie du changement peine à s’imposer. 

Il devient urgent de peser dans le débat pour que les avancées réglementaires ne soient pas vidées de leur substance. 

Ce sera l’un de mes engagements majeurs pour 2025 : contribuer à fédérer les écosystèmes d’entrepreneurs à impact pour faire entendre la voix de celles et ceux qui construisent une économie utile aux humains et qui prend soin du vivant.

The Good : Quelle est la feuille de route de Norsys pour 2025 ?

Thomas Breuzard : Notre cap est clair : stabiliser notre performance économique par notre engagement sociétal. Nous voulons prouver qu’une entreprise peut être à la fois performante et contributive, en plus de gagner en résilience en ces temps tumultueux.

Le modèle de la permaentreprise nous y aide grandement, pour œuvrer efficacement dans notre univers du numérique, capable du meilleur comme du pire. 

A ce titre, nous entrons dans une phase d’audit interne, en France comme dans nos agences au Maroc, qui vise à mesurer notre performance selon 150 objectifs d’impact.

Côté projet, nous allons notamment :

  • Développer des services à faible empreinte environnementale en déployant des analyses du cycle de vie dans les projets et continuer à nous inscrire dans une trajectoire bas carbone (nous mesurons nos émissions de GES depuis 2007) ;
  • Poursuivre nos travaux sur la juste intégration des IA génératives en commençant par mieux appréhender leurs impacts en matière de relation humain – machine, de conséquences dans le fonctionnement des équipes, au regard de leurs impacts environnementaux et des risques éthiques également ;
  • Améliorer la maturité des acteurs du numérique en matière environnementale et éthique : déploiement d’un service libre d’accès de mesure d’impact (MonACVNumérique), contribution aux travaux de l’Institut du Numérique Responsable sur les usages éthiques des IA Génératives ;
  • Expérimenter un nouveau modèle de gouvernance avec la nature comme actionnaire, la création d’un haut conseil pour la nature et la mise en place d’une Conseil Social, Economique et Nature, comme annoncé fin 2024 (cf keynote de l’OFB) ;
  • Renforcer notre impact sociétal avec notre fondation et notre fonds actionnaire, en finançant des projets d’agriculture régénérative, en soutenant des acteurs qui accélère l’émergence de sevrices numériques à finalité sociale et environnementale.

Nous voulons aussi ouvrir la voie à d’autres.
Nous avons fait de la permaentreprise un bien commun, et nous allons multiplier les interventions pour aider d’autres entreprises à s’y mettre.

The Good : Quel est le programme de B Lab pour cette année ? Combien d’entreprises sont labellisées B Corp en France ? En Europe ? Dans le Monde ?

Thomas Breuzard : Le mouvement B Corp grandit : plus de 500 entreprises certifiées en France, 2 000 en Europe et près de 10 000 dans le monde. 

Lors de la création de l’association B Lab France fin 2019, la communauté française comptait 100 entreprises ! Nous sommes en plein développement donc, portés par des entreprises en chemin vers une autre économie, bénéfique à tous les humains et au vivant dont ils font partie plutôt que dirigée vers le seul profit financier. La certification B Corp est plus qu’une simple marque : c’est une manière d’interagir avec le monde, et une volonté commune de contribuer au Bien commun. 

2025 est une année charnière pour le mouvement avec l’arrivée des nouveaux standards de la certification B Corp, qui servent de boussole à son action. Ces nouveaux standards se concentrent sur les questions sociales et environnementales les plus importantes auxquelles sont confrontés les humains et le vivant, donnant aux organisations la clarté nécessaire pour se concentrer sur ce qui compte et susciter les actions les plus impactantes.

Ce nouveau cadre d’exigences pour la certification sera basé sur des performances spécifiques et obligatoires sur 7 thématiques d’impact interdépendantes : Mission et Gouvernance des Parties Prenantes (MGPP), Travail Équitable (TE), Justice, Équité, Diversité et Inclusion (JEDI), Droits Humains (DH), Action Climatique (AC), Gestion Environnementale et Circularité (GEC), Affaires Publiques et Action Collective (APAC).

L’objectif est de maintenir des standards élevés tout en tenant compte des contextes uniques des entreprises, afin de trouver un équilibre entre ambition et faisabilité. Avec cette évolution, B Lab apporte une nouvelle contribution au cadre et dispositifs qui font évoluer le rôle de l’Entreprise et sa contribution au Bien commun.

Notre contribution passe également par un soutien européen à la CSRD et aux normes ESRS, notamment pour protéger la double matérialité et la gestion de l’impact. Ces principes fondamentaux sont cruciaux pour garantir la transparence, la responsabilité et des comportements d’entreprise ayant un réel impact. Les affaiblir mettrait en péril les efforts de durabilité dans toute l’UE.

Pour ce qui est de la France, nous organisons le 27 mars 2025 à La Cité Fertile à Pantin le plus grand rassemblement B Corp depuis l’arrivée du mouvement en France il y a 10 ans. Une journée pour faire vivre notre interdépendance et resserrer nos liens, rester à la pointe des sujets d’impact et se mettre en action pour aller plus loin dans son entreprise et avec la communauté. C’est collectivement que nous contribuerons à transformer l’économie !

The Good : Quel est votre message « call to action » aux lecteurs de The Good ?

Thomas Breuzard : Assez d’attentisme !

Le vieux monde se défend, le nouveau cherche son équilibre. Il devient urgent de ne plus attendre avant de choisir : donner vie à une économie soutenable pour ne pas regarder s’effondrer nos idéaux en spectateurs…

Que vous soyez dirigeant, salarié, investisseur, entrepreneur ou consommateur, votre rôle compte. Ne vous demandez pas si vous pouvez agir, mais comment vous allez le faire. Et avec qui vous allez démultiplier votre impact.

3 actions concrètes dès aujourd’hui :

  • Dirigeants : évaluez l’impact de votre entreprise et engagez-vous dans une démarche de progrès (Impact Score, B Corp…) et rejoignez des réseaux d’entrepreneurs engagés
  • Salariés : challengez vos employeurs, proposez des initiatives, poussez pour que les offres de produits et services évoluent 
  • Consommateurs : choisissez des marques qui ne mettent pas l’argent avant le vivant, et faites comprendre aux autres qu’elles finiront par y perdre

« L’avenir n’est jamais qui le présent à mettre en ordre. Tu n’as pas à le prévoir mais à le permettre« , Saint Exupéry

Allez plus loin avec The Good

The Good Newsletter

LES ABONNEMENTS THE GOOD

LES ÉVÉNEMENTS THE GOOD