18/12/2023

Temps de lecture : 4 min

« Notre objectif : 100 projets financés avec 1 milliard d’euros récoltés d’ici 2030 », Mehdi Coly (Team for the Planet)

(contenu abonné) Le 4 décembre, Team for the Planet (ex Time for the Planet) a fêté ses 4 ans. Avec un beau succès à la clé : être la plus grosse organisation de crowdfunding française. Le principe : les actionnaires acquièrent...

(contenu abonné) Le 4 décembre, Team for the Planet (ex Time for the Planet) a fêté ses 4 ans. Avec un beau succès à la clé : être la plus grosse organisation de crowdfunding française. Le principe : les actionnaires acquièrent des parts dans la structure pour lui permettre d’investir dans des innovations destinées à lutter contre le changement climatique. Mais pas question de rémunération financière en retour : les dividendes sont pour le climat, via les émissions évitées et les investissements dans de nouveaux projets. Entretien avec l’un des six co-fondateurs, Mehdi Coly.

The Good : Quatre ans après sa création, Team for the Planet a convaincu plus de 115 000 actionnaires d’investir 25 millions d’euros dans des innovations destinées à lutter contre le changement climatique. Qui sont ces actionnaires et quel est leur rôle ?

Mehdi Coly : Cela va du citoyen qui investit 1 € (le montant minimum, ndlr) au fonds d’investissement qui investit 5 millions d’euros ! Nous avons des grandes institutions publiques, l’ADEME, beaucoup de cadres, de chefs d’entreprises, des gens en situation de pouvoir…et des milliers de citoyens. Initialement nous étions focalisés sur le seul crowdfunding mais très vite les actionnaires ont voulu s’impliquer davantage. Certains relisent nos contenus, d’autres nous permettent de rencontrer des dirigeants du CAC40…Un actionnaire nous a même obtenu un affichage gratuit par JC Decaux, ce qui nous a permis de diffuser la campagne « il ne suffit pas de pisser sous la douche » dans différentes villes d’Europe ! Surtout, les actionnaires sont devenus indispensables pour évaluer les innovations car le Comité scientifique peut en étudier 5 tous les 4 mois quand on en reçoit 200 dans le même temps. Une dizaine de milliers d’actionnaires ont été formés pour ce faire.

The Good : Comment mesurez-vous le succès de Time for the Planet ? En fonction du nombre de projets, des millions levés, de l’impact CO2 ? Un compteur sur le site affiche plus de 15 millions de tonnes de CO2 évitées, à quoi cela correspond-il ?

Mehdi Coly : Le montant des levées de fonds en tant que tel ne nous intéresse pas, c’est l’impact des projets qui est essentiel. Nous en avons neuf aujourd’hui et nous voyons que les projets dans lesquels on a investi passent des caps radicaux plus rapidement avec nous que sur le marché. Car nous ne faisons pas qu’apporter de l’argent, nous accompagnons les équipes et cela créé un climat propice à l’innovation. Mais comme nous investissons en période d’amorçage, il est difficile de mesurer l’impact sur le climat. Nous avons donc développé un indicateur en partenariat avec des acteurs publics (ADEME, ONU…) et privés (Carbone 4, Sweep…) qui valorise les émissions non émises ou captées. C’est le « dividende climat » (1 tonne de Co2eq équivaut à un dividende climat, ndlr) qui, pour nous, remplace le dividende financier classique[1]. Pour Cool Roof par exemple, nous évaluons les économies en énergie permises par la non utilisation de la climatisation lorsque l’on peint les toits en blanc. Cela correspond à 8,5 millions de tonnes eqCO2 évités.

The Good : Certains de vos projets sont critiqués, comme celui de Crymirotech sur le recyclage plastique, d’autres peuvent avoir un impact sur la biodiversité comme Carbon Time qui travaille sur la séquestration du carbone dans la roche via l’olivine. Comment ces critiques ou effets pervers sont pris en compte ?

Mehdi Coly : Comme notre objectif est l’impact, nous nous réservons le droit d’arrêter un projet si nous nous rendons compte si ce n’est pas la bonne voie. Pour Carbon Time, nous en sommes au tout début mais si cela a un impact sur la biodiversité, nous stopperons le projet. Mais nous pensons qu’il faut absolument explorer la piste de la séquestration minérale. Concernant le recyclage plastique, on nous reproche le fait que cela n’arrêtera pas la production plastique. C’est vrai. Bien sûr, si le plastique est interdit à l’échelle mondiale, j’applaudis des deux mains. Mais je ne vois pas de gouvernement le faire aujourd’hui alors qu’en attendant on peut éviter des millions de tonnes de CO2 en travaillant sur des solutions techniques. Toutes nos innovations peuvent être critiquées car elles ne vont pas régler le problème du climat, ni arrêter le commerce mondial. Elles vont juste permettre de réduire les émissions. Mais dans ce monde complexe, nous avons tous un rôle à jouer, chacun avec nos outils : actions coups de poing, attaques en justice, vote. Nous nous investissons dans l’innovation. La technologie ne résoudra pas la crise climatique mais elle a sa place.

The Good : Vous affichez un objectif de 100 projets financés avec 1 milliard d’euros récoltés d’ici 2030. Y-a-t-il suffisamment de projets de qualité sur les 20 thèmes que vous suivez autour de la réduction des émissions, l’efficacité énergétique, la sobriété et la capture ?

Mehdi Coly : Oui, de ce côté-là, pas de problème ! La question est plus de savoir si nous aurons assez d’argent et quelle sera la qualité de l’accompagnement. Mais l’objectif n’est en réalité pas tant les 100 projets que la question des dividendes climat générés. En attendant, nous avons changé notre modèle de levée de fonds qui seront désormais organisées deux fois par an (et non plus en continu): ce mois de décembre pour les entreprises, et à l’été pour les particuliers.


[1] Team for the Planet fournit, sur une période de 10 ans, 1 t CO2-eq (capturée ou évitée) pour 1€ investi. Ce dividende climat constitue une information extra-financière et ne peut pas être vendu ou transféré ni servir de compensation

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