(contenu abonné) Bernard Laget est un élu ingénieux. Il a créé un système permettant de produire son hydrogène puis de l’injecter directement dans la chaudière à gaz du château de la commune de Chateauneuf (42).
TheGood : Comment fonctionne le système de chauffage innovant que vous avez créé ?
Bernard Laget : Nous avons effectivement inventé un nouveau système pour notre château, après avoir développé un mix panneaux photovoltaïques et micro-éolien pour produire de l’électricité. La majeure partie de l’électricité est consommée en période de production mais la difficulté résidait dans le stockage pour l’énergie résiduelle. Nous avons alors développé une production d’hydrogène dans le bâtiment, par électrolyse de l’eau, pour le stocker sous forme de gaz. Et ce, dans le respect de la réglementation.
Ensuite, je me suis dit nous avons une chaudière à gaz dans ce bâtiment et l’hydrogène est compatible avec le, gaz de ville, donc nous devrions pouvoir injecter directement l’hydrogène dans le brûleur. Nous avons réalisé un prototype. Et cela a marché
TheGood : Vous avez réalisé un prototype ? C’est tout de même très technique ! Vous avez donc transformé la chaudière ?
Bernard Laget : Je suis un peu technicien, je suis professeur d’université et j’ai dirigé une école d’ingénieurs…
Mais nous n’avons pas transformé la chaudière ! Nous avons ajouté un tuyau avec un ingénieur du syndicat intercommunal des énergies de la Loire, et discuté avec le fabricant de notre chaudière, DeDietrich, qui a, par la suite, industrialisé le process. L’entreprise a développé un kit qui se pose derrière la chaudière ; kit alimenté par l’électricité produite par les panneaux photovoltaïques. Ce kit produit de l’hydrogène et de l’oxygène, à la demande du brûleur.
Nous avons fait le calcul : avec 20% d’hydrogène dans un volume de gaz, on diminue de 30% la production de carbone. Nous améliorons donc le bilan carbone via la chaudière, et cette amélioration équivaut à une isolation du château par l’extérieur. Autre avantage, nous gardons le système de chauffage et les radiateurs !
TheGood : Quelles économies votre ingéniosité vous permet-elle de faire ?
Bernard Laget : Il est difficile d’estimer les économies d’énergie réalisée, puisque les prix du gaz et de l’électricité ont augmenté entre temps, mais une chose est certaine : nous avons moins perdu d’argent. De plus dans le cadre de la préparation du budget 2024 nous prévoyons, sur ce poste, une enveloppe en baisse de 30%.
TheGood : Votre prototype a été créé pour un château, avez-vous dit… pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce bâtiment et sa vocation actuelle ?
Bernard Laget : En 1983, la mairie a acquis un château du XIXe sur une parcelle de 24 hectares. Le bâtiment lui-même fait environ 1600 m2. Dans les années 90, nous y avons installé diverses activités : bureaux, salles pour les associations, etc., mais aussi des entreprises à qui nous louons les espaces. Dans le parc, un centre équestre privé. Nous avons instauré un système de loyers et de charges locatives forfaitaires pour les entreprises locataires. La mairie paye le gaz et l’électricité et demande ensuite une participation aux sociétés.
Mais en 2000, nous nous sommes intéressés à la qualité énergétique du bâtiment. Nous avons fait des travaux et changé les huisseries. Puis s’est posée la question de l’énergie. C’est là que nous nous sommes dit qu’il fallait produire notre propre énergie.
TheGood : Allez-vous utiliser votre système dans d’autres bâtiments communaux ?
Bernard Laget : Le système va effectivement être en partie étendu sur d’autres bâtiments, car cela évite l’installation de pompes à chaleur. Un kit est en cours d’installation à la mairie. Ce kit commence d’ailleurs à être commercialisé. Il y a des particuliers qui ont passé commande. Il semble que d’autres fournisseurs s’intéressent à ce type de procédé.
Mais surtout, vous connaissez le problème des énergies renouvelables : c’est que la production est intermittente. Il y a des pics de production qui ne peuvent être consommés dans l’immédiat et, donc, nous avons mis en place un système d’autoconsommation collective sur nos bâtiments communaux, grâce à un mode de contrat proposé par Enedis. Il prévoit que, lorsque vous avez des électrons en trop dans un bâtiment et que vous en avez besoin dans un autre bâtiment, vous pouvez les « transférer ». En réalité, nous ne revendons pas cette électricité à un fournisseur d’énergies.
TheGood : Les particuliers peuvent-ils profiter de ce système ?
Bernard Laget : C’est une dimension importante de notre système puisque les particuliers développent eux-mêmes des panneaux photovoltaïques et qu’ils ont les mêmes problèmes de gestion des pics et des baisses, se crée une logique de communauté d’énergie. Les citoyens s’approprient la question du mix énergétique. Ils participent à l’amélioration du bilan énergétique de leur quartier et favorisent la résilience du réseau. On a mis en place une sorte de « bourse de troc pour les électrons ».
TheGood : Est-ce que vous réalisations ont inspiré d’autres communes ?
Bernard Laget : Je suis conseiller départemental en charge de l’innovation et des transitions. Comme le département de la Loire doit procéder à des travaux sur de nombreux bâtiments, j’ai été chargé d’aider au développement de systèmes de productions d’énergie ; de favoriser l’autoconsommation et de faire diminuer les factures d’énergie. Je suis également chargé d’aider à la création de boucles locales de particuliers, comme celle qui existe sur ma commune.
Nous avons une action en cours avec la Chambre d’agriculture, pour les toitures agricoles, et le Medef, pour les toitures industrielles, qui ont les mêmes logiques. L’objectif étant de développer la production d’électricité à partir des supports existants.