14/01/2025

Temps de lecture : 4 min

« Nous protégeons la biodiversité nocturne de la pollution lumineuse », Marième Tamata-Varin (maire de Yèbles)

A Yèbles, au coeur de la Brie (77), la municipalité a aménagé une liaison douce parsemée de petits cailloux phosphorescents et bordée de candélabres solaires programmables. «Nous sommes la première commune française à disposer de ces mâts», explique fièrement le maire, Marième Tamata-Varin.

TheGood : Avant de de détailler les solutions mises en place, pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous souhaitiez éclairer cette voie a minima ?

Marième Tamata-Varin : Pour respecter la trame noire (l’objectif des trames noires est de protéger la biodiversité nocturne de la pollution lumineuse – NDLR). Nous voulions être exemplaires en la matière. Il n’est pas possible d’avoir un double discours ; de dire qu’il faut respecter la nature et de ne rien faire en ce sens. La liaison douce qu’il s’agissait d’éclairer est en plein milieu des champs. Il était encore plus essentiel de trouver des solutions respectueuses de l’environnement !

TheGood : Afin d’atteindre votre objectif, vous avez donc sollicité la fabrication de mâts solaires qui n’existaient pas….

Marième Tamata-Varin : Pour avoir un éclairage qui soit respectueux de l’environnement, notre choix s’est bien évidemment porté sur des candélabres solaires. Mais nous ne voulions pas de candélabres allumés toute la nuit, dans le respect de la trame noire. Nous voulions qu’ils s’éteignent à minuit, une fois tous les bus passés. Or, les candélabres solaires ne sont pas conçus pour s’éteindre mécaniquement.  Ils s’éteignent naturellement au lever du jour pour recharger les batteries. 

Des mâts qui s’éteignent mécaniquement, c’était un concept inconnu. Nous avons attendu août dernier pour en avoir ; le temps de leur fabrication. Ils ont été posés par la société BIR.

Installés le 15 octobre dernier, ils sont les premiers du genre en France. Yèbles est la première commune française à disposer de mâts solaires programmables de la société Eclatec.

TheGood : Les candélabres s’éteignant à minuit, vous avez donc cherché une solution permettant d’aller jusqu’au petit matin ?

Marième Tamata-Varin : Il fallait trouver une solution pour les gens qui empruntent tardivement ce passage ; pour leur permettre de voir la route jusqu’au petit matin. Nous avons choisi le lumicol, qui, intégré au bitume, réfléchit la lumière, sans déranger la faune et la flore. Ce lumicol est produit par l’entreprise Colas, qui a je crois, de plus en plus de demandes en la matière. Mais nous étions les deuxièmes seulement à les solliciter sur ce projet. 

Il s’agit de petites pierres phosphorescentes encastrées dans l’enrobé. Elles ne créent pas d’aspérité à la surface de la route. Nous avons opté pour une forte concentration au mètre carré afin que l’on voie bien où on marche. Cela fait comme des petites lampes à led qui tracent le cheminement.

TheGood : Quel est le surcoût par rapport à un enrobé classique ?

Marième Tamata-Varin : Le lumicol coûte très cher. Nous avons un surcoût de 30% par rapport à un enrobé classique. Nous bénéficions d’aides du Département de Seine-et-Marne et de l’Etat, à hauteur de 200 000 euros, sur un budget total de 315 000 euros (HT).

La liaison douce est très empruntée, bien plus qu’avant, et les parents laissent plus volontiers leurs enfants rejoindre le bourg à pied.

TheGood : Revenons à la voie elle-même : pourquoi aviez-vous besoin d’une liaison douce ? 

Marième Tamata-Varin : Yèbles est une commune d’un peu moins de 1000 habitants, constituée d’un centre bourg et d’un hameau principal qui s’appelle Nogent-sur-Avon. Tous deux étant séparés par une départementale et des champs. Les équipements de loisirs sont sur le bourg, ainsi que le Chemin des Roses, une coulée verte très appréciée des promeneurs et cyclistes. La liaison douce a pour vocation de sécuriser leur trajet ainsi que celui de tous les travailleurs ou les étudiants non véhiculés qui vont sur le bourg, ou partent rejoindre la ligne de bus. En l’absence d’accotement, les gens marchaient sur la Départementale, surtout en hiver, pour éviter le bas-côté mouillé. 

Notre souhait était de connecter le hameau et le centre bourg à des lignes de bus structurantes qui passent sur le bout de la liaison qui amène à Nogent-sur-Avon et qui ne peuvent pas être déviées dans le cœur du bourg. En parallèle, nous avons des lignes qui rentrent dans le bourg et qui ne peuvent pas être déviées sur la Départementale. Un vrai problème de mobilité, sachant que cette ligne structurante dessert aussi l’Université de Créteil et la gare de Verneuil-l’Etang de façon beaucoup plus régulière que les lignes qui passent dans le cœur du bourg. 

Pour régler ce problème de mobilité, il fallait trouver une solution qui permette de « rabattre » des lignes secondaires vers les lignes principales et structurantes, sans dévier les lignes existantes. Et vice versa. 

Grâce à notre liaison douce, livrée en novembre 2024, les gens peuvent se rendre à pied ou à vélo à l’arrêt de bus, garer leur vélo et emprunter la ligne 41 qui va leur permettre, une station plus loin, d’utiliser deux autres lignes structurantes du Département. Ces lignes permettent de se déplacer dans quasiment toute la Seine-et-Marne. 

Pour réaliser cette voie, qui fait 1 km sur 3.5 mètres de large, nous avons négocié avec trois agriculteurs afin qu’ils nous cèdent des parcelles ; l’équivalent de 3000 m2. Il a fallu un an et demi pour parvenir à un accord.

TheGood : Vous avez indiqué que cette voie est au milieu des champs…. Comment les agriculteurs ont-ils considéré ce projet ?

Marième Tamata-Varin : Cette liaison douce a été pensée dans le respect des agriculteurs : nous leur avons aménagé deux passages dédiés pour traverser la liaison douce, avec des entrées renforcées pour supporter les tracteurs et éviter d’abîmer la piste cyclable ou faire chuter les piétons à cause d’une dégradation de la chaussée. Nous avons fait une voierie lourde. C’était une crainte des agriculteurs que de ne plus pouvoir passer et travailler, mais ils ont été rassurés depuis.

TheGood : Votre liaison douce est-elle connectée à d’autres voies cyclables  ? 

Marième Tamata-Varin: Le projet devait aussi permettre aux habitants de rallier le « RER vélo » de la Région, un maillage constitué de plusieurs pistes cyclables, en passant par le Chemin des Roses. C’est un espace naturel sensible géré par le Département et un syndicat de communes (constitué d’une bonne dizaine de communes, dont la nôtre), une ancienne voie ferrée d’une vingtaine de kilomètres qui était autrefois utilisée pour livrer des roses à Paris, qui va jusqu’à la gare de Verneuil-l’Etang. Le Département l’a rachetée à la SNCF et en a fait une voie verte. Elle comprend des arbres protégés dont la gestion et l’entretien font l’objet d’une concertation avec l’ONF. 

Tout cela s’inscrit dans un programme complémentaire avec une requalification du carrefour de Nogent-sur-Avon, la mise en place de passages piétons sur la Départementale D319, un éclairage solaire, et l’aménagement de cheminements piétons tout le long de la liaison. Nous l’avions fait côté bourg car avons beaucoup travaillé sur le sujet de l’accessibilité. Nous avons mis des trottoirs partout, sauf sur les axes partagés voitures/piétons. Le Département est venu compléter cette liaison douce et la partie piétonne.

Allez plus loin avec The Good

The Good Newsletter

LES ABONNEMENTS THE GOOD

LES ÉVÉNEMENTS THE GOOD