(contenu abonné) A la tête de la Fondation pour la Nature et l’Homme, un trio : Stéphanie Clément-Grandcourt, Gildas Bonnel et François Gemenne. Leur objectif : dépasser les clivages, inspirer les courages pour faire des solutions écologiques la chance de tous. Explications.
The Good : Depuis 1990, la Fondation pour la Nature et l’Homme promeut des solutions écologiques auprès du grand public et des décideurs économiques et politiques. Quelles sont les nouveautés depuis la nouvelle direction de la fondation en 2023 ?
Stéphanie Clément-Grandcourt : Il y a eu beaucoup d’évolutions à la Fondation depuis quelques années. En 2021, Nicolas Hulot a définitivement quitté ses fonctions au sein de la structure et ce moment charnière nous a légitimement amené à réfléchir sur notre avenir, notre valeur ajoutée et sur la manière de continuer à être utile.
Nous avons réalisé un travail important sur le positionnement de la Fondation, sa méthode, sa plus-value et plus encore son ambition.
Nous avons défini notre raison d’être. La FNH veut être la Fondation qui dépasse les clivages et inspire les courages pour lever les blocages de la transition écologique.
Face à l’inaction qui sclérose aujourd’hui notre société, suscite tantôt la colère, tantôt le désespoir et l’éco-anxiété, nous faisons le choix de participer à lever les blocages politiques, économiques, sociaux ou tout simplement psychologiques qui entravent la mise en œuvre des grands changements nécessaires, en cherchant des solutions qui vont concilier impératifs écologiques et besoins humains. Nous sommes convaincus que c’est en conciliant ces deux enjeux que nous arriverons à trouver les voies de passage nécessaires.
Cette raison d’être se veut aussi une raison d’en être tant nous souhaitons réunir et travailler avec le plus grand nombre autour des enjeux que nous portons.
Pour succéder à Alain Grandjean, économiste et membre du Haut Conseil pour le Climat que nous avons eu le privilège d’avoir pour président depuis 2019, et pour incarner ce nouveau chapitre, nous avons fait le choix d’une nouvelle gouvernance qui incarne cette fondation fermement ancrée sur ses deux jambes : la science et l’expertise plus que jamais au cœur de notre action d’une part et la capacité à mobiliser tous les acteurs d’autre part.
Par leurs parcours, leurs convictions, leurs valeurs et leur envie de nous rejoindre, Gildas et François s’imposaient.
J’ajoute que c’est un tandem qui s’inscrit pleinement dans l’ADN de la Fondation qui, depuis sa création, se donne pour mission de vulgariser auprès du plus grand nombre des enjeux complexes, en se basant sur une grande rigueur scientifique.
Gildas Bonnel : Cela fait près de 20 ans que j’essaie de me rendre utile auprès des entreprises et des organisations pour créer de l’intérêt et de l’envie, au service d’un modèle de société plus respectueux de la planète et des Hommes. La FNH m’offre aujourd’hui la possibilité de faire un pas de plus dans mon engagement.
Elle porte en elle une écologie inclusive qui crée du lien entre les citoyens et cherche des solutions qui concilient l’impératif écologique et les besoins humains. Je pense profondément que rien ne se fait contre. La FNH fait avec. Sans naïveté. C’est cette philosophie que j’ai rejoint et que je porte aujourd’hui.
Je suis également très attaché à la méthode de travail sur laquelle la Fondation fonde son action. La place de la science, de l’expertise avec un conseil scientifique incarné par François, au cœur de notre action. Le souhait aussi de co-construire avec celles et ceux qui sont au cœur des difficultés pour penser des solutions crédibles et adaptées. Travailler, par exemple, avec les éleveurs ou avec la restauration collective pour les aider à atteindre les objectifs de la loi Egalim. Créer du lien, des passerelles, a toujours au cœur de l’action de la Fondation. Dans une logique d’alliance qui nous rend plus fort.
L’attachement à un dialogue de qualité, même avec des acteurs avec lesquels nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout pour trouver des voies de passage, faire avancer les sujets.
François Gemenne : Pour ma part, j’ai tout de suite accepté de prendre cette fonction au sein de la FNH car on se rejoint sur une approche qui n’est pas dans la posture.
La FNH incarne une approche constructive qui me semble aujourd’hui la plus pertinente et la plus efficace pour dépasser les clivages que les enjeux écologiques réveillent ou font apparaître dans nos sociétés. Je fais partie de son Conseil scientifique depuis dix ans, et je sais combien il est important que l’action écologique puisse s’appuyer sur une solide expertise.
Plus que jamais, la science doit informer la décision et guider l’action sur ces enjeux fondamentaux. La richesse et la diversité du Conseil scientifique de la FNH sont uniques, et mon rôle est d’en mobiliser tout le potentiel au service de l’action pour le climat, la biodiversité et l’environnement en général.
The Good : Quels sont les grands chantiers de la FNH en 2024 ?
Stéphanie Clément-Grandcourt : Tout en étant une fondation environnementale, la FNH va traiter l’ensemble de ces sujets par les besoins humains, au carrefour des enjeux sociaux et environnementaux. De l’accès à une mobilité durable pour tous aux questions cruciales de l’alimentation et de la préservation de la nature, les sujets ne manquent pas et sont chaque jour plus nombreux ! Comme je suis d’une nature impatiente et que j’ai la chance d’être entourée une équipe de très haut niveau, j’ai envie que la Fondation démultiplie son action en 2024.
François Gemenne : Aujourd’hui, nous travaillons sur 5 programmes. Peut-être 6 demain car comme le dit Stéphanie, les besoins sont grands. Ces programmes traitent aujourd’hui des enjeux de biodiversité, d’alimentation, d’agriculture et d’élevage et de mobilité.
Sur chacun des sujets, nous avons à cœur de travailler 3 niveaux aussi importants et indissociables les uns que les autres : les décideurs économiques et politiques, les territoires et les citoyens.
Rares sont les ONG environnementales à placer l’humain au cœur de leur mission et à mobiliser les acteurs décisifs à tous ces niveaux. C’est une grande force.
En 2024, nous avons du pain sur la planche. Nous avons été très présents durant la crise agricole ces dernières semaines pour montrer que les solutions agroécologiques étaient la réponse à la détresse du monde agricole et non la source de tous ses maux. Nous portons en ce moment même la nécessité de mettre en place des mesures miroirs, outil nécessaire à l’accomplissement des objectifs du Pacte vert européen et à la transition des systèmes de production alimentaires vers plus de durabilité.
Nous parlerons bientôt de biodiversité et nous montrerons comment il est possible de concilier une désartificialisation nécessaire des sols et les besoins de logement.
A l’automne, la saison 3 de la campagne #J’AgisJePlante sera également lancée. Depuis trois ans, nous réveillons les planteurs qui sommeillent en chacun d’entre nous. Quand on connait les besoins de plantations (22000 kilomètres de haies qui disparaissent encore chaque année), il nous parait essentiel de faire du citoyen un maillon essentiel de la renaturation. Nous leur proposons donc une formation gratuite, sous forme de tutos très ludiques, de fiches infos et de guide pour leur permettre de monter leur projet de plantation, chez eux, mais aussi chez un agriculteur, dans leur commune ou leur entreprise…
Gildas Bonnel : Je rebondis sur le sujet de la mobilisation citoyenne qui est primordial à nos yeux. Aujourd’hui les sujets environnementaux sont de plus en plus complexes et il est capital de donner aux citoyens les outils pour comprendre, donc monter en compétence sur les sujets et les moyens d’agir à leur niveau. En leur montrant, encore une fois sans naïveté, et comme nous l’avons fait, par exemple, dans notre campagne #CeuxQuiFont que des solutions existent et qu’elles peuvent être mises en place et réellement changer notre quotidien.
Cette capacité à mobiliser le citoyen est l’une des forces de la Fondation. Elle l’a beaucoup fait durant son histoire et elle le refera encore. C’est l’un de nos grands chantiers !
The Good : Comment la FNH continuera d’accompagner les entreprises en 2024 ?
Gildas Bonnel : La Fondation considère le monde économique comme une partie prenante à part entière et nous travaillons avec les entreprises et échangeons beaucoup avec elles. Que ce soit avec des grands groupes, les distributeurs, les interprofessions ou les PME. Nous sommes dans de l’échange d’expertise, nous faisons aussi du plaidoyer auprès du monde économique et nous ne nous interdisons pas de co-porter certains sujets avec les entreprises.
François Gemenne : Je vous donne un exemple très concret : l’Alliance pour la décarbonation de la route, une initiative lancée avec de nombreux acteurs – entreprises, monde académique, think tanks – que la Fondation a rejoint à mes côtés. Cette plate-forme pluridisciplinaire d’échanges et d’actions a vocation à travailler en partenariat avec les pouvoirs publics pour concevoir et mettre en œuvre les solutions de décarbonation les plus efficaces pour réussir la transition des mobilités. Elle est un exemple d’une action conjointe public-privé-académique et acteurs de l’intérêt général pour agir ensemble au service de la transition. Elle incarne bien me semble-t-il la méthode qui fonde l’action de la Fondation.
Stéphanie Clément-Grandcourt : A cela, il faut ajouter que nous sommes soutenus par des mécènes, la Maif, la SNCF, Léa Nature, Api Restauration… Sans leur soutien, nous ne pourrions mener à bien certaines de nos actions. Le mécénat représente aujourd’hui 20% des ressources de la Fondation et nous avons à cœur de le développer.