La Commission européenne devrait présenter le 26 février un paquet Omnibus visant à modifier les principales réglementations en matière de finance durable. Les investisseurs avertissent que cette initiative est susceptible de créer une incertitude juridique, de mettre en péril la compétitivité économique à long terme de l’Europe et de nuire à l’investissement si les règles sont rouvertes pour une révision complète. Aussi, 25 investisseurs français gérant 1,75 trillion d’euros d’actifs – ils font partie des 200 acteurs du secteur financier- ont signé une déclaration commune appelant la Commission européenne à « préserver l’intégrité et l’ambition » du cadre de la finance durable de l’UE.
Aleksandra Palinska, directrice exécutive du Forum européen pour l’investissement durable (Eurosif) déclare : « Pour que l’UE atteigne ses objectifs de décarbonisation industrielle et de compétitivité, le rapport Draghi identifie un déficit d’investissement annuel de 800 milliards d’euros. Des capitaux privés sont nécessaires pour combler ce déficit. Pour jouer leur rôle, les investisseurs ont besoin d’informations de qualité, fiables et comparables de la part des entreprises, notamment en ce qui concerne les risques et les incidences en matière de développement durable. Les règles de l’UE en matière d’information sur le développement durable des entreprises sont censées combler le manque de données existant. Les changements radicaux apportés à ces règles, avant qu’elles ne soient pleinement mises en œuvre, créeront une incertitude réglementaire et risquent d’entraver la contribution des investisseurs à la croissance durable. Il conviendrait plutôt d’aider les entreprises à mettre en œuvre les règles de manière effcace et, si nécessaire, de procéder à des ajustements ciblés des règles au niveau technique ».
Le Groupe des investisseurs institutionnels sur le changement climatique (IIGCC), le Forum européen de l’investissement durable (Eurosif) et les Principes pour l’investissement responsable (PRI) soutiennent l’appel des investisseurs qui exhortent les décideurs politiques de l’UE à se concentrer sur des changements ciblés des normes techniques et sur des conseils de mise en œuvre plus clairs. Des investisseurs gérant un total de 6 600 milliards d’euros d’actifs ont exhorté la Commission européenne à « préserver l’intégrité et l’ambition » du cadre européen de la finance durable. Cette démarche intervient alors que l’on craint que le prochain paquet Omnibus de la Commission européenne, attendu pour le 26 février 2025, ne conduise à une révision complète des principales exigences en matière de développement durable.
Une déclaration commune publiée par trois grands organismes européens d’adhésion des investisseurs – Eurosif, IIGCC et PRI – et soutenue par 211 investisseurs et autres acteurs du secteur financier, avertit que « la réouverture de ces réglementations dans leur intégralité risque de créer une incertitude réglementaire et pourrait en fin de compte compromettre l’objectif de la Commission de réorienter les capitaux pour soutenir le Green Deal européen ». Sur l’ensemble des signataires, 25 sont des investisseurs français qui gèrent 1 750 milliards d’euros d’actifs, dont AXA Investment Managers, OFI Invest, cinquième gestionnaire d’actifs en France, et Pictet Asset Management.
Le paquet Omnibus vise à renforcer la compétitivité de l’Europe et à rationaliser les réglementations, avec des lois clés sur le développement durable, notamment la taxonomie de l’UE, la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) et la directive sur la diligence raisonnable en matière de développement durable des entreprises (CSDDD), qui devraient être révisées. Les investisseurs affirment que ces réglementations sont des « pierres angulaires fondamentales de l’architecture de la politique de durabilité de l’UE » et qu’elles sont essentielles pour favoriser la durabilité à long terme et la croissance économique en Europe. En effet, comme le souligne la déclaration, ces règles permettent aux investisseurs de prendre des décisions éclairées pour « gérer les risques, identifier les opportunités et, en fin de compte, réorienter le capital vers une économie nette zéro plus compétitive, plus équitable et plus prospère ».
Tout en reconnaissant la nécessité d’améliorations ciblées, la déclaration commune souligne l’importance d’une stabilité politique à long terme et met en évidence les dangers d’une réouverture générale des trois lois qui pourrait conduire à un affaiblissement significatif des informations sur le développement durable des entreprises, qui sont essentielles pour les décisions d’investissement. Les signataires « soutiennent l’objectif global de simplification et d’amélioration de la cohérence du cadre européen de la finance durable », mais affirment qu’une « approche plus efficace consisterait à se concentrer sur la rationalisation des normes techniques et à fournir des conseils de mise en œuvre clairs ». Dans leur déclaration, les investisseurs affirment que la transparence accrue créée par ces réglementations a déjà un impact positif, soulignant que d’ici 2024, les entreprises européennes auront déclaré 440 milliards d’euros de dépenses d’investissement alignées sur la taxonomie – un chiffre qui devrait augmenter de manière significative.
Philippe Zaouati, PDG de Mirova, explique : « Nous sommes à un tournant décisif pour la finance durable. Alors que les préoccupations climatiques sont souvent reléguées au second plan face aux crises géopolitiques et économiques, il est impératif que nous restions attachés à nos objectifs de durabilité. La finance durable doit se réinventer et s’adapter à ce nouveau paysage, tout en préservant les principes fondamentaux qui guident nos actions. Mirova reste déterminée à soutenir ces initiatives et à travailler avec toutes les parties prenantes pour assurer une transition durable et responsable. »
L’UE étant confrontée à un déficit d’investissement estimé à 750-800 milliards d’euros par an, les investisseurs avertissent que des initiatives telles que le prochain Clean Industrial Deal, qui vise à « assurer la compétitivité à long terme de l’industrie européenne nette zéro et sa résilience économique », pourraient être compromises si les normes d’information sur le développement durable s’affaiblissaient. L’intervention, qui a été envoyée à la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et aux principaux commissaires européens, souligne que « l’accès en temps voulu à des rapports de haute qualité et comparables est une condition préalable pour informer et guider les décisions [des investisseurs] ». Les investisseurs proposent une approche ciblée pour affiner le cadre, notamment en :
● Rationaliser les normes techniques sur la base du retour d’information de l’industrie
● Fournir des conseils de mise en œuvre clairs, y compris des conseils sectoriels le cas échéant
● Assurer l’interopérabilité entre les normes d’information européennes et internationales
● Exploiter les solutions numériques pour réduire la charge de travail liée à la déclaration et améliorer l’harmonisation des données
« En maintenant les principes fondamentaux de ces règlements tout en relevant les défis de la mise en œuvre, l’UE peut renforcer sa position de leader mondial dans le domaine de la finance durable. L’accès en temps voulu à des rapports de haute qualité et comparables provenant de l’économie réelle est une condition préalable pour informer et guider les décisions des investisseurs, permettant à cette approche équilibrée de soutenir la réorientation du capital vers une économie nette zéro plus compétitive, équitable et prospère, en comblant le déficit d’investissement annuel estimé à 750-800 milliards de dollars », souligne Stephanie Pfeifer, directrice générale de l’Institutional Investors Group on Climate Change (IIGCC).