(contenu abonné) Pour conduire tous les projets municipaux sur les rails de la RSE, Franck Raynal, maire de Pessac, et son équipe ont créé, avec l’AFNOR, une méthode d’analyses qui repose sur les 17 objectifs de développement durables (ODD) dégagés par l’ONU. La piscine Cazalet a été conçue grâce à cette méthode.
The Good : Construire une piscine municipale est-il bien raisonnable à l’heure où il faut préserver l’eau et faire des économies d’énergie ?
Franck Raynal : Il est possible de créer une piscine responsable. De la conception à l’exploitation. Non seulement, notre est projet respectueux sur le plan environnemental mais aussi sociétal puisque cet ensemble nautique familial va être construit en extra-rocade, dans un quartier populaire qui ne bénéficie pas d’un tel équipement.
Nous avons, à Pessac – commune de 66 000 habitants qui s’étend sur 17 km et traversée par la rocade de Bordeaux – deux piscines. La nouvelle piscine Cazalet va venir remplacer un équipement très ancien, de type caneton. Elle accueille les cours et les clubs et n’est ouverte que quelques heures par semaine. Cette piscine caneton, bâtie il y a plus de 50 ans, arrive en fin de vie. C’est une véritable passoire thermique que nous prolongeons avec une obstination qui frôle le déraisonnable en termes de coûts. A elle seule, elle représente 15% des coûts de gaz de toute la municipalité. Le coût historique était de 200 000 euros par an et, au vu des coûts de l’énergie actuelle, nous pensions payer dans les 800 00 euros en 2023, mais heureusement, nos projections ont été un peu trop élevées.
L’autre piscine, a été construite dans les années 90. Elle se trouve côté intra-rocade et est ouverte toute l’année.
The Good : Comment avez-vous réussi réconcilier des inconciliable pour concevoir un projet responsable ?
Franck Raynal : Pour concevoir ce nouvel équipement, nous avons utilisé notre nouvelle méthodologie d’instruction des projets municipaux, en investissement, puis en fonctionnement. Créée avec l’AFNOR, cette méthode d’analyse de l’ensemble de nos dépenses repose sur les 17 ODD, objectifs de développement durable, dégagés par l’ONU.
C’est un tableau de bord à 360° qui essaie d’examiner toutes les conséquences des décisions que l’on prend, sur tous les plans ; une grille de lecture très étendue qui suppose un panel de personnes qui examinent si telle dépense, tel objectif, tel projet va améliorer tel ODD et/ou dégrader tel autre. Ces jugements nous permettent ensuite de choisir la direction dans laquelle on va aller.
Il faut toujours garder à l’esprit que tel objectif, s’il est exclusif, peut devenir contre-productif sur d’autres objectifs d’un niveau d’engagement pour l’avenir qui peut être équivalent.
The Good : Quid de l’énergie et de la gestion de l’eau ?
Franck Raynal : Nous avons opté pour un marché public global sur performance, qui nous permet de dialoguer avec trois équipes que nous avons challengées pour avancer sur la base d’un cahier des charges qui place très haut les valeurs environnementales. En particulier pour tout ce qui concernait l’énergie car il faut chauffer d’énormes volumes d’eau et d’air. Notre effort porte et sur la qualité de la construction et sur la source d’énergie qui va l’alimenter. Pour le chauffage, nous avons retenu la géothermie.
Nous allons créer un puit de géothermie et un puit de réinjection, sur l’emprise de la piscine, que nous aimerions, dans un deuxième temps, raccorder à différents bâtiments publics proches pour créer un mini-réseau de chaleur. Nous allons également mettre des panneaux photovoltaïques sur le toit de la piscine, qui sera en partie végétalisé. Ces équipements vont permettre de satisfaire 97% des besoins en chauffage de la piscine ; les 3% restants seront couverts par l’électricité.
Deuxième élément : l’eau. Il faut savoir qu’en plus de la filtration, la législation impose de vidanger quotidiennement une partie de l’eau de chaque piscine, en fonction de la fréquentation qui a été enregistrée dans la journée. On doit enlever 30 litres pour un nageur. Par jour ! Dans les piscines traditionnelles, cette eau part à l’égout. Nous allons, nous, réutiliser cette eau de deux manières. Elle sera stockée et, après traitements adaptés, une partie servira à nettoyer les rues et les espaces publics tandis que l’autre servira à arroser les espaces verts et notamment le parc qui jouxte le site.
The Good : Que représente cet investissement ? Vos efforts pour rendre la piscine plus respectueuse de l’environnement représentent-ils un surcoût important ?
Franck Raynal : Tous ces dispositifs représentent un surcoût de l’ordre de 15 à 20%, mais nous nous y retrouverons sur quelques années et, surtout, nous agissons de façon responsable. Vertueuse. Notre piscine sera quasi autonome en termes d’énergie et ne gaspillera pas un litre d’eau
Le coût global de la piscine Cazalet est de 29 millions d’euros. C’est le plus gros investissement de la mandature. Il y aura plusieurs bassins, intégralement couverts, avec des plages extérieures et des jeux. La livraison, j’espère, se fera après l’été 2025.
Ce coût intègre aussi la dépollution du site ; une friche industrielle. Ce fut la mauvaise surprise….Nous sommes sur le site d’une ancienne usine automobile qu’il va falloir traiter en profondeur. Cette opération va nous retarder… et nous coûter entre 3 et 5 millions supplémentaires. Il faut excaver 3000 tonnes de terre.
The Good : Comment vous assurerez-vous que les objectifs fixés aux entreprises seront tenus ?
Franck Raynal : Le marché public global sur performance intègre les cinq premières années de fonctionnement de la piscine ; de l’exploitation du bâtiment. C’est un élément de responsabilisation des constructeurs qui sont responsables de l’efficacité de sa construction durant cinq ans, et c’est une garantie pour nous.