(contenu abonné) Isabelle Verrecchia est directrice de l’Engagement du Groupe M6 et déléguée générale de la Fondation M6 dédiée à la réinsertion socioprofessionnelle des personnes ayant connu un épisode carcéral. Elle travaille en étroite collaboration avec Thomas Valentin, conseiller du Président du Directoire Groupe M6 pour les contenus, tout nouveau président de la Fondation d’entreprise du Groupe M6 depuis le 22 mars 2023. Il succède à Eric d’Hotelans qui occupait ces fonctions depuis 2016.
The Good : Quelle est la genèse de la Fondation M6 ?
Isabelle Verrecchia : C’est en 2010 que le Groupe M6 a créé sa Fondation d’entreprise sous l’impulsion de notre PDG Nicolas de Tavernost qui a dans son entourage un visiteur de prison. Comme il le dit souvent : « La prison, c’est la poussière sous le tapis ». Nous avons la conviction que c’est un vrai sujet de société qui nous concerne tous. Rappelons qu’il subsiste 61% de récidives dans les cinq ans qui suivent leur libération. Or plus de prisons n’est pas la solution. L’objectif de la fondation est de s’engager en faveur de la réinsertion socioprofessionnelle des personnes ayant connu un épisode carcéral.
The Good : Quelles actions ont été mises en place depuis la création de la fondation pour quels résultats ?
Isabelle Verrecchia : Depuis 13 ans, la fondation a soutenu 200 actions de terrain auprès de plus de 120 associations dans des établissements pénitentiaires et en milieu ouvert, pour un budget de plus de 6 millions d’euros. Ce sont aussi 700 collaborateurs qui se sont impliqués dans les actions de la Fondation. Nous décorrélons la fondation des antennes car c’est une structure au service de l’intérêt général. Le groupe M6 injecte 500 000 euros par an dans la fondation M6 qui utilise l’argent soit pour soutenir des projets de terrain soit pour servir de plaidoyer pour porter cette cause au sein des entreprises. Nous soutenons 20 projets extérieurs par an, les deux plus importants sont l’opération « Au-delà des lignes », qui encourage l’écriture des détenus pour la 8ème édition cette année dans 45 prisons, et « Impulse le changement » (3ème édition) sur l’accompagnement aux projets écocitoyens comme la formation des détenus au métier d’apiculteurs.
The Good : Combien d’anciens détenus ont été embauchés par le groupe M6 ?
Isabelle Verrecchia : Depuis la création de la fondation, 12 personnes anciennement détenus ont été embauchées par le groupe M6. Nous les avons formé aux différents métiers de notre écosystème : autour de l’image, du son ou du journalisme. Nous mobilisons l’ensemble de nos collaborateurs à nos actions, et notamment nos managers pour que leur insertion se passe bien. Régulièrement, nous organisons des rencontres et échanges entre trois détenus et les collaborateurs du groupe M6 autour de la machine à café. Une fois par trimestre, nous sommes aussi à l’initiative d’une journée complète mêlant détenus et une cinquantaine de collaborateurs avec au programme le matin : des ateliers pour identifier les compétences des détenus. Il faut savoir que 50% des personnes en détention n’avaient pas de travail avant d’entrer en prison. Nous déjeunons tous ensemble puis nous leur faisons une visite de nos locaux l’après-midi avant de simuler un entretien d’embauche avec notre directeur des ressources humaines. Ce « concept » est duplicable dans toutes les entreprises, nous travaillons à inciter ces dernières à l’expérimenter !
The Good : Est-ce que la réinsertion professionnelle fait baisse le taux de récidives ?
Isabelle Verrecchia : Aucune étude ne le dit. Le plus dur est de sortir de la délinquance. Les associations font un travail admirable pour aider les détenus qui sortent de prison qui doivent trouver de quoi se nourrir, où se loger, trouver un travail et renouer avec sa famille et ses proches. Il y a des questions de santé aussi à prendre en compte, parfois d’addictions, et souvent psychologiques. La réinsertion professionnelle des détenus n’est pas un long fleuve tranquille car l’entreprise dicte un nouveau quotidien radicalement différent.
The Good : Quel est votre regard personnel sur cette cause et votre mission ?
Isabelle Verrecchia : Juriste en propriété intellectuel de formation, j’avais été dans une prison dans le cadre de mes études. Ça fait plus de 15 ans que je travaille dans le groupe M6, j’ai pris le poste de déléguée générale de la Fondation M6 en 2016. Je trouve ça très courageux de la part du groupe M6 d’aller sur ces sujets. Une fois que l’on a travaillé dans cet univers, on y a une attache très forte. C’est humainement très puissant ! Les prisons reflètent la société. J’aime défendre cette cause et convaincre par mes convictions. La rencontre des deux mondes, celui des détenus et celui des entreprises, permet de faire bouger les lignes des deux côtés. Je suis particulièrement fière du projet « Au-delà des lignes » où on accompagne des individus qui nous disent ne pas savoir écrire à verbaliser des paroles vers l’extérieur. Plus globalement, je suis très fière que cette cause soit devenu un véritable projet d’entreprise porté par l’ensemble des 1600 collaborateurs du groupe M6 plutôt qu’uniquement des actions d’une fondation.