Avec l’essor du smartphone, de la vidéo et de la 5G, le secteur du numérique risque de représenter 8% des émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2025. Une explosion de la pollution numérique notamment due aux smartphones qui pose la question du retour aux bons vieux forfaits limités des années 2000, le langage SMS en moins.
Difficile pour les plus jeunes d’entre nous de se représenter des ordinateurs de bureau et des téléphones portables avec des forfaits internet limités. Et pourtant, avant l’apparition de l’ADSL au début des années 2000, il fallait bien penser à déconnecter son ordinateur du web si on voulait éviter le hors forfait. Pour les téléphones portables, il s’agissait de réduire la longueur des messages et de laisser les autres nous appeler pour préserver les 200 sms et 2 heures d’appels par mois. Le changement est venu au début des années 2010, lorsque les forfaits illimités et leurs dizaines de giga-octets ont commencé à poindre le bout de leur nez. L’histoire aurait pu s’en tenir là, l’illimité étant pour beaucoup une forme de progrès technique et un besoin vital dans un monde ultra connecté. Mais la pollution numérique s’est invitée à la danse.
Les centres de données au coeur de la pollution numérique
Car naviguer sur internet depuis un ordinateur ou un téléphone produit des gaz à effet de serre importants. Il y a d’abord la fabrication des centres de données, de nos terminaux domestiques et des réseaux d’antenne qui font le lien entre les deux. L’infrastructure du numérique représenterait ainsi 44% des émissions du numérique français selon un rapport sénatorial de juin 2020 – un calcul qui n’inclut pas le coût social et humain de l’extraction des métaux rares nécessaires au réseau physique. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est les 56% restants, c’est-à-dire l’utilisation de ces infrastructures et la pollution qui en découle. Une pollution due notamment aux énergies fossiles utilisées pour alimenter les centres de données, les serveurs et les antennes du réseau internet. Or, selon qu’un utilisateur fait appel à un réseau fixe ou mobile, l’empreinte carbone n’a rien à voir.
La 4G : 23 fois plus polluante que la Wi-Fi
Une étude de l’Université du Michigan et de l’opérateur américain AT&T a montré que les données mobiles étaient beaucoup plus émettrices que les « données fixes » par Wi-Fi. Ainsi, s’attaquer au problème des émissions numériques, c’est avant tout viser le smartphone et ses forfaits gargantuesques. Car selon l’étude, la 3G serait 15 fois plus coûteuse en énergie que la Wi-Fi. Quant à la 4G, malgré ses gains en efficacité énergétique, elle serait 23 fois plus émettrice. Un écart considérable entre internet fixe et internet mobile qui est encore mal connu du grand public. Une méconnaissance entretenue par le coût financier assez faible d’un forfait mobile illimité en comparaison de sa consommation énergétique. Pour 50 Go par mois, on paye rarement plus de quelques dizaines d’euros. Ce découplage entre le prix et les émissions de gaz à effet de serre nous rappelle l’intérêt de mettre un véritable prix sur la tonne de CO2. Car à l’heure actuelle, rien ne nous incite à privilégier la Wi-Fi à la 4G, résolument plus bas carbone.
Un problème aggravé par la vidéo et la 5G
La gourmandise des données mobiles n’aurait pas été aussi problématique si le taux d’équipement en smartphone n’avait pas explosé ces dernières années. En 2019, 77% de la population possédait un téléphone intelligent. Un chiffre élevé qui s’accompagne d’un usage très largement porté sur la vidéo, de Youtube à Netflix en passant par Pornhub. Le problème, c’est que la vidéo représente à elle seule 60% des flux de données mondiaux d’internet. Cela représenterait 1% des émissions mondiales de CO2 selon le think tank The Shift Project. Pour avoir un ordre de grandeur, notons que le visionnage du film Pulp Fiction en 4K pèse autant que l’envoi de 300 000 emails sans pièce jointe. Les forfaits limités pourraient circonscrire la consommation vidéo sur smartphone et l’usage d’énergies fossiles pour alimenter les centres de données. La régulation de la consommation de données est d’autant plus nécessaire que la 5G est en train de se déployer. Malgré ses gains en efficacité énergétique, cette nouvelle génération de réseau incite à consommer toujours davantage de vidéos tant le débit est élevé. Sans mentionner le coût environnemental des nouvelles infrastructures et des nouveaux téléphones à fabriquer. Selon une étude du Haut Conseil pour le Climat, son déploiement entraînerait une augmentation de l’empreinte carbone du numérique de 18 à 45% d’ici à 2030. Revenir aux forfaits limités serait donc une manière de combattre l’effet pervers « à volonté » des données. Car à la manière du restaurant au buffet illimité, notre vie numérique sans garde-fou est en train de nous mener vers une infobésité dangereuse pour le climat et pour notre santé.