Entre le marais de Negando, dont elle souhaite assurer une rénovation écologique, ses anciennes variétés locales de pommiers et son orme remarquable, la commune de Crouy-sur-Ourcq (Seine-et-Marne) veille particulièrement sur son patrimoine naturel. « Nous avons reçu, en 2024, le label Territoire engagé pour la nature », précise le maire, Didier Manson.
The Good : Concrètement, en quoi Crouy-sur-Ourcq est-il « un Territoire engagé pour la nature » et quels sont vos engagements en la matière ?
Didier Manson : Nous nous sommes engagés sur trois points : la création d‘un verger communal, la réhabilitation environnementale du marais de Negando, qui est une pépite, et le renouvellement des alignements de tilleuls rue de Coulombs et rue de Fussy, ainsi que certains arbres sur la place du Champivert.
The Good : En quoi ce marais est-il exceptionnel et que souhaitez-vous y réaliser ?
Didier Manson : Le marais de Negando est un espace naturel d’environ 80 hectares défini comme une Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) au début des années 2000. La commune est propriétaire de 35 hectares ; le reste appartient à des particuliers.
Un peu laissé à l’abandon, il est en train d’étouffer. Le développement d’arbres entraîne l’assèchement du marais et l’ombre ne permet pas aux espèces typiques de bas marais alcalin de s’exprimer. Il faudrait lui redonner vie. En outre, ce marais compte un patrimoine végétal exceptionnel.
L’objectif est de sanctuariser cet espace. Je souhaiterais en faire un espace naturel sensible (ENS*) pour pouvoir en assurer la rénovation écologique. Nous avons déposé un dossier auprès du Département en ce sens. La Seine-et-Marne compte une quarantaine d’ENS, dont vingt-deux qui sont visitables. Le nôtre le serait également : il est déjà traversé par des randonneurs sur le GR11 et des chasseurs y sont également présents. Les deux sont tout à fait compatibles ! La société de chasse de Coulombs a de très bonnes relations avec les promeneurs.
Notre marais est très bien identifié par toutes les instances départementales et régionales. C’est une pépite, reconnue comme telle depuis des années, mais nous ne sommes pas encore parvenus à la faire reconnaître comme ENS.
The Good : Ce marais abrite-t-il des espèces végétales ou animales spécifiques ?
Didier Manson : Nous avons notamment des chauves-souris qui sont absolument introuvables ailleurs et différentes espèces de grenouilles et tritons. Le marais de Negando abrite des espèces végétales exceptionnelles telles la Fougère des marais ou la Néottie nid d’oiseau.
Pour le marais, nous travaillons avec un CPIE, le CPIE des Boucles de la Marne (Aven du grand Voyeux) qui est chargé de répertorier les différentes espèces présentes (NDLR – Les Centres Permanents d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE) accompagnent de nombreux projets en faveur de la transition écologique et solidaire (connaissance et gestion des espaces naturels, pollution lumineuse, alimentation durable, santé environnement, réduction des déchets, etc.).
Le CPIE des boucles de la Marne (Aven du grand Voyeux) a notamment démarré un inventaire de la biodiversité présente sur la commune. Dans notre village qui compte moins de 2000 habitants, nous avons aussi la chance d’avoir un Collectif de la transition écologique qui réunit des habitants très investis et qui participent notamment à cet inventaire.
The Good : Le label Territoire engagé pour la nature que vous venez de décrocher peut-il vous aider à aboutir dans le classement en ENS de votre marais ?
Didier Manson : Je l’espère, du moins… Il est certain que ce ne peut être qu’un atout supplémentaire. Nous avons aussi été labélisé Villes et Villages fleuris : nous avons obtenu notre première fleur l’année dernière.
The Good : Qu’avez-vous planté dans le verger dont vous nous avez parlé tout à l’heure ?
Didier Manson : Nous avons récemment créé un verger communal dans lequel nous avons planté une dizaine de pommiers ; des espèces anciennes de pommes du cru. A côté des pommiers, nous mettrons d’autres essences. Pour l’instant, c’est un petit espace de quelques centaines de mètres carrés qui va être géré par le service technique. Ce verger est ouvert : quand il y aura des pommes, les gens pourront se servir librement.
The Good : Et puisque nous parlons arbres… je crois que Crouy-sur-Ourcq en abrite un, absolument remarquable ?
Didier Manson : C’est exact ! Situé à l’entrée du GR11 qui mène vers le marais de Negando et qui ceinture Paris, il y a un arbre remarquable. C’est un orme lisse âgé d’une centaine d’année qui a défié et résisté à toutes les maladies et, notamment, dans les années 70, à la graphiose de l’Orme, qui a éliminé la plus grande partie des ormes en France. Notre orme avait été sélectionné pour représenter l’Ile-de-France sur le concours national de l’Arbre de l’année 2024 qui récompense, chaque année, les plus beaux arbres du patrimoine français. 14 régions étaient représentées : 13 régions de l’Hexagone et la Réunion.
Notre arbre remarquable, qui n’a finalement pas été primé, a pourtant été identifié par le Conseil architecture et urbanisme de l’environnement (CAUE) depuis 2005, et l’année dernière, par l’association A.R.B.R.E.S qui répertorie les arbres d’exception en France.
*Un espace naturel sensible – ENS – est une aire protégée, définie par la législation française, acquise ou gérée par un département. Les ENS sont instituées en France par la loi 76.1285 du 31 décembre 1976)
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Les anciennes tourbières
L’exploitation des tourbières de Crouy-sur-Ourcq qui remonte au XIXe siècle a façonné la géographie du secteur. On trouvait, à Crouy-sur-Ourcq, quatre types de tourbes : tourbe noire, tourbe compacte, tourbe mousseuse et tourbe légère. La tourbe de Crouy était extraite sur les lieux même de la carbonisation. La tourbe de surface, ou tourbe mousseuse, était extraite au louchet à tourbe et servait surtout pour la chauffe. La tourbe compacte, plus profonde était extraite à la drague et était façonné en forme de brique.
Le site de Crouy-sur-Ourcq contenait alors 25 fourneaux et 21 employés (6 carboniseurs, 8 chargeurs et 7 manœuvres). En général, la carbonisation de la tourbe nécessite un employé pour un fourneau mais la tourbe de Crouy-sur-Ourcq se trouvant à distance moyenne, son exploitation nécessitait un peu plus. De plus, le charbon de tourbe était trié sur place avant d’être acheminé pour Paris.
Source : CPIE des boucles de la Marne – https://www.cpie-bouclesdelamarne.fr/valorisation-des-espaces-naturels/marais-de-negando