Rennes : La recherche interdisciplinaire pour anticiper l’avenir
(contenu abonné) Favoriser la recherche interdisciplinaire pour mieux comprendre les crises actuelles c’est l’objectif du CUT, le Centre for Unframed Thinking. Adossé à l’école de commerce de Rennes, il organisait...
(contenu abonné) Favoriser la recherche interdisciplinaire pour mieux comprendre les crises actuelles c’est l’objectif du CUT, le Centre for Unframed Thinking. Adossé à l’école de commerce de Rennes, il organisait son premier sommet sur les transformations durables les 9 et 10 octobre.
Comment comprendre les crises globales si l’on pense en silo ? « Nous avons besoin de mobiliser aussi bien les sciences sociales que les sciences dures, la recherche académique et les entreprises pour faire face aux défis écologiques, numériques et sociétaux », assure Raouf Boucekkine, le directeur associé du CUT et doyen associé pour la recherche de Rennes Business School. Depuis trois ans, il dirige sur les principes d’interdisciplinarité et d’intersectorialité le premier Institut d’Etudes Avancées (IAE) de France adossé à une école de commerce. « Ce concept est peu connu en France mais il existe depuis les années 30 aux Etats-Unis, initialement pour faire travailler ensemble différentes sciences humaines. Il s’étend aujourd’hui aux sciences dures, indispensables pour comprendre et réfléchir à nos transitions alors que de nombreux seuils d’irréversibilité sont dépassés », poursuit le chercheur en économie du développement. Son modèle : le Club de Rome qui mêlait lui aussi des personnalités du monde académique et du monde économique. En 1972, il publiait Les limites à la croissance mais aussi, quelques années plus tard le moins connu « Cri d’alarme pour le XXIème siècle » (1985), appelant à une « révolution humaine » pour sortir de notre logique de prédation et de perturbation de la nature.
50 ans plus tard, où en sommes-nous ? Les sociologues, économistes et scientifiques invités pour ce premier sommet interdisciplinaire ont montré les différences d’approches qui existent encore pour mettre en œuvre la transformation de notre économie. Peut-elle se faire dans le système capitaliste actuel, en poussant davantage les solidarités ou la décentralisation comme l’imagine Xavier Ragot, Président de l’OFCE ? Ou ce système qui érige en optimum l’organisation de l’entreprise et son « managérialisme » dans toutes les dimensions de la société nous enserre-t-il dans les problèmes écologiques et sociaux qu’il a lui-même créé, comme le suggère le Canadien Jean-François Chanlat, professeur en sciences des organisations à l’Université Paris-Dauphine féru d’anthropologie ? Et comment s’y prendre pour espérer voir les émissions de gaz à effet de serre baisser au niveau mondial ? Faut-il se focaliser sur une solution de marché globale comme une taxe carbone internationale malgré les difficultés d’une telle concertation, comme le soutient le professeur d’économie Ted Loch Temzelides de l’université Rice (Etats-Unis) ? Ou faut-il en parallèle avancer dès maintenant à une échelle plus locale, en réhaussant les taxes sur les produits énergétiques les plus polluants comme le voudrait l’Union européenne dans le cadre du Fit for 55 ?
Ces différentes approches sont encore loin d’être tranchées d’autant que des vents contraires poussent au statut quo. Au sein de l’Union européenne, la droite et l’extrême droite profitent des difficultés financières des ménages et de certains pays inhérentes à la hausse du prix de l’énergie et des matières premières pour remettre en cause le Green Deal. Au niveau mondial, la diffusion des fake news sur le climat se diffuse à vitesse grand V, freinant encore s’il fallait le changement de nos comportements et de nos modes de vie, s’inquiète Alan Kirman, directeur d’études à l’EHESS. Et malgré la baisse de prix doublée d’une meilleure efficacité des énergies renouvelables, les énergies fossiles risquent d’avoir une (trop) longue vie devant elles si aucune mesure forte n’est prise prochainement. En 2023, la consommation de charbon a ainsi battu des records dans la plupart des régions du monde.
Pour dépasser ces freins, on peut s’inspirer du passé, en travaillant notamment sur les cultures pérennes (en opposition avec les semis annuels) pour émettre moins de CO2, utiliser moins de fertilisants et d’eau, assure Franco Miglietta, directeur de recherche à l’institut de Bioéconomie de Florence. On peut travailler sur la complexité, en refusant de faire de l’Homo Economicus le modèle -forcément simpliste- de la réflexion économique en se basant sur l’Homo anthropologicus, qui réintègre la subjectivité politique, morale et sociale de l’être humain. On peut -et même l’on doit -renforcer la solidarité et la lutte contre les inégalités, en mettant en place des outils compensatoires en parallèle des taxes énergétiques pour aider les populations et les territoires les plus vulnérables à y faire face, souligne Salvador Barrios, chef de l’équipe d’analyse de la politique fiscale du Joint Research Center de la Commission européenne. Enfin, on peut changer notre façon de calculer la performance des entreprises et sa façon de rendre des comptes en élaborant une comptabilité triple capital robuste. C’est l’objectif d’une nouvelle chaire du CUT avec Goodwill Management. Des solutions qui nécessitent effectivement toutes une collaboration entre disciplines.
LES NEWSLETTERS DU GROUPE INFLUENCIA : THE GOOD — LA QUOTIDIENNE INFLUENCIA — MINTED — WHAT'S UP ? MEET IN. RECEVEZ UNE DOSE D'EVENEMENTS, D'INNOVATIONS, MEDIA, MARKETING, ADTECH... ET DE GOOD