De plus en plus de bricoleurs bénévoles proposent de remettre en état les objets cassés de leurs voisins dans des tiers lieux associatifs. Partie des Pays-Bas, l’initiative est aujourd’hui mondiale et croise économie circulaire, lutte contre la pauvreté et lien social.
Selon le site internet de Repair Café, il y aurait plus de 2100 cafés de réparation dans le monde, répartis sur 33 pays différents. Aux Pays-Bas, où le concept est né en 2009, on en compte plus de 450. Sa maternité revient à Martine Postma, une militante écologiste et ancienne journaliste qui voulait concilier écologie, solidarité et lien social. L’idée est de rassembler dans un café, une salle de fête ou un local associatif des personnes du même quartier afin de réparer collectivement des objets cassés ou usés. Des bénévoles se chargent de ramener les outils et d’aider leurs voisins à rafistoler l’objet en question. Ces cafés d’auto réparation voient passer des vêtements, des meubles, des appareils électroménagers, mais aussi des vélos, des jouets etc. L’objectif premier est de réduire les déchets et de transmettre l’art de la réparation. Mais aussi d’aider les familles les plus démunies et de renforcer la cohésion sociale des villages et des quartiers.
Les chirurgiens de la société d’abondance
Les bénévoles viennent de tous les milieux. Ils sont experts en électronique, en couture, en mécanique ou en informatique. Souvent âgés, ils prennent du temps sur leur retraite pour venir transmettre leur savoir-faire, partageant le souhait de revenir à plus d’entraide. Beaucoup expriment leur frustration d’une société du jetable et de l’obsolescence, mais aussi d’un monde où rendre des services est devenu systématiquement payant. Le Repair Café apparait comme une alternative solidaire où la dimension marchande laisse place à une approche plus humaine. Et forcément, le travail est fastidieux, notamment pour les appareils électriques. La multiplicité d’outils nécessaires et la fragilité des objets hors services demandent aux réparateurs la plus grande attention. À plus forte raison que ce sont en principe les propriétaires des objets hors d’usage qui s’attellent à leur réparation. La réparation est souvent retardée par le manque de bonne volonté des constructeurs, cachant les vis derrière des morceaux de plastique difficilement accessibles.
Sauvegarder un savoir-faire
Mais le changement de mentalité souhaité par la communauté Repair Café pourrait être en train de se produire. En France, selon un sondage de Toluna, une personne sur deux dit privilégier la réparation ou la revente. Une prise de conscience essentielle pour préserver le savoir-faire de la réparation. Autre enjeu, valoriser l’intelligence du faire et les connaissances des réparateurs. Le manque de considération pour les filières courtes n’incite pas les nouvelles générations à s’engager dans les milieux de la réparation. Selon l’ONG Les Amis de la Terre, 6000 réparateurs indépendants ont cessé leurs activités entre 2010 et 2016. Pourtant, leurs compétences permettent de réduire la consommation de matières premières, d’énergies nécessaires à la fabrication et donc d’émissions de CO2. Dans un monde sous énergie contrainte où le réchauffement climatique risque d’atteindre les + 2°C d’ici la fin du siècle, valoriser les objets est pourtant primordial.
Profiter d’une chaleur humaine
Au-delà de la dimension environnementale, c’est aussi le besoin de lien social qui anime les cafés de réparation. On y partage un thé et un café en attendant son tour avant de passer un moment en compagnie d’un bénévole. Il n’est pas rare que les personnes dont les objets ont été réparés ramènent en guise de remerciement un gâteau ou un petit cadeau maison. Ces moments privilégiés permettent aussi aux bénévoles de développer leur clientèle et de proposer des prix accessibles pour réparer les objets qui méritent un travail plus important. C’est le cas des smartphones et des imprimantes dont l’électronique ultraminiaturisée rend l’opération longue et complexe. Derrière la réparation et son apprentissage, l’idée est de donner à tous les outils permettant de s’émanciper de la société de consommation. Réparer un objet, c’est refuser une pollution multifactorielle et proposer un modèle alternatif de consommation. C’est un acte politique dans un monde où jeter est devenu un geste du quotidien.