29/04/2025

Temps de lecture : 5 min

VSS et responsabilité des marques : l’affaire Jean Imbert, un cas d’école

Partenaires sous pression. Le magazine Elle a publié les révélations de quatre ex-compagnes du chef étoilé Jean Imbert, accusé de violences conjugales. Que font les marques partenaires du cuisiniers face aux violences révélées ?

Les marques peuvent-elles encore fermer les yeux face aux cas avérés de violences sexistes et sexuelles ? Le magazine Elle a rendu public mercredi 25 avril 2025 les révélations chocs de quatre ex-compagnes du chef étoilé Jean Imbert concernant des comportements de violences conjugales graves. L’une d’entre elle, l’actrice Lila Salet, témoigne à visage découvert, et publie en parallèle une vidéo sur son compte Instagram (@lilloutty) où elle insiste en se filmant « Jean Imbert est un homme extrêmement violent (…) et dangereux pour la gente féminine » et détaille les « abus de pouvoir » du cuisinier qu’elle accuse d’être un « manipulateur« . Si Lila Salet a porté plainte contre lui au moment des faits (il y a treize ans), elle affirme avoir retiré cette plainte sous la pression de Jean Imbert, qui craignait pour sa carrière. Si aucune procédure judiciaire officielle n’est en cours pour le moment, le tribunal médiatique s’affole.

Dans le magazine Elle, les communicants de Jean Imbert justifient les comportements de ce dernier comme n’étant pas ceux d’un « bourreau », mentionnant des « attitudes plus ou moins saines, des névroses, ou même des emportements, qui ne constituent pas l’exercice de violences psychologiques« , qui « existent ici comme partout« . Ils ajoutent : « tout cela s’inscrit manifestement dans le cadre d’une relation amoureuse, avec des particularités que l’on peut apprécier sur le plan moral ou pas si on a envie d’évaluer à cette aune les interactions d’un couple, mais qui étaient en tout cas parfaitement réciproques« .

Que font les nombreuses marques partenaires de Jean Imbert ? Nespresso, Disneyland Paris, Dior (groupe LVMH), Mauviel 1830, La Palme d’Or (restaurant de l’hôtel Martinez In The Unbound Collection By Hyatt) ou encore le Plaza Athénée (groupe Dorchester Collection) sont en effet toutes engagées contractuellement avec le chef. Contactées par The Good, aucune n’a souhaité s’exprimer pour le moment.

Les conseils d’expertes en RSE

« Dans ce cas, la situation des marques est délicate car il y a une enquête mais pas (ou pas encore) de plainte déposée — il faut garder à l’esprit l’affaire Julien Bayou (ndlr : ancien patron des écologistes, innocenté par la justice après des accusations de harcèlement moral et d’abus de faiblesse). Cela dit, il semble s’agir ici d’actes répétés avec des personnes différentes…. D’ailleurs, via son équipe de communication, le chef reconnaît une partie des faits qui lui sont reprochés, notamment un coup de tête ayant entraîné un nez cassé pour l’une de ses ex-compagnes — un geste qu’il dit « regretter ». Une communication qui me semble maladroite au regard de la gravité des actes évoqués. A mon sens, il serait préférable de présenter des excuses publiques claires, en s’expliquant sur l’origine de cet acte violent, et en indiquant les mesures qu’il compte prendre (ou qu’il a déjà pris) pour se soigner et changer », analyse Elisabeth Laville, fondatrice et présidente d’Utopies, agence de conseil en RSE depuis 1993.

Elle poursuit : « Du côté des marques partenaires, il me semblerait pertinent de suspendre toute collaboration visible (spot TV, promo en cours…) dans l’attente d’une prise de parole publique sincère de sa part et d’éclaircissements judiciaires éventuels. Tout en n’hésitant pas à réaffirmer leurs valeurs (respect, lutte contre les violences faites aux femmes, etc.) en même temps que leur respect de la présomption d’innocence. Certaines marques se sont déjà trouvées dans des situations comparables et ont réagi ainsi – je pense à Lacoste avec Moha la Squale et Roméo Elvis, ou à Nike avec Neymar« .

Un avis que partage Julie Brion, directrice associée de l’agence de communication responsable MIEUX, plus catégorique : « Toutes les entreprises partenaires de Jean Imbert, doivent répondre et agir en connaissance de cause. En maintenant leur partenariat, elles soutiennent et normalisent le sexisme. Cela ne signifie pas pour autant, qu’en rompant leur collaboration, elles abandonnent toutes formes de sexisme. Elles ne font que répondre à une pression sociale et médiatique. Il en va de leur image. Rappelons que si le cas de Jean Imbert est forcément médiatique, il s’ajoute malheureusement au nombre d’un phénomène social d’ampleur. Selon une étude de l’IFOP de 2023, presque une femme sur deux sera victime de violences sexistes et sexuelles au cours de sa vie« . 

Stéphane Plaza, Mathias Vicherat…

En France, d’autres cas similaires ont bénéficié d’une couverture médiatique considérable ces derniers mois.

Condamné en février 2025 à 12 mois de prison avec sursis pour violences conjugales, l’affaire judiciaire impliquant Stéphane Plaza a eu des répercussions significatives sur son réseau d’agences immobilières et sa carrière d’animateur vedette. En réponse à la crise, Gilles Charron, président de Stéphane Plaza France, a annoncé la création d’une nouvelle marque, « Sixième Avenue », permettant aux franchisés de se détacher du nom de Stéphane Plaza tout en restant au sein du réseau. ​​De son côté, suite à la condamnation, la chaîne M6 a déprogrammé toutes les émissions animées par Stéphane Plaza, marquant une rupture nette avec l’animateur.

Un an plus tôt, en mars 2024, Mathias Vicherat, ex-secrétaire général de Danone, a démissionné de la direction de Sciences Po après son renvoi devant le tribunal correctionnel pour des accusations de violences conjugales, issues d’une altercation avec son ex-compagne Anissa Bonnefont. En novembre 2024, il a été condamné à cinq mois de prison avec sursis, tandis qu’elle a écopé de huit mois avec sursis, avec interdiction de contact mutuel pendant trois ans.

La suite ?

Contactée par The Good, l’une des ex-compagnes a confirmé que l’affaire Jean Imbert n’allait « pas s’arrêter là » sans préciser la nature des faits à venir.

Côté marques, Yves Saint Laurent Beauty (groupe L’Oréal) s’est engagé à sensibiliser 2 millions de personnes d’ici 2030 sur la prévention de la violence au sein du couple. Lancée le 8 mars dernier, sa campagne  » Aimer sans abuser » a marqué les esprits. Celle-ci s’accompagne d’un programme international « ABUSE IS NOT LOVE », en partenariat avec l’association En Avant toute(s), qui comprend la formation des équipes internes de la marque jusqu’aux conseillères de ventes en magasin, une « contribution aux études sur les jeunes et la prévention » et enfin un soutien financier à des ONG. La marque a aussi publié le « violentomètre », un outil de mesure des 9 signes avant-coureurs avant qu’ils ne dégénèrent en violence physique, psychologique ou sexuelle :

N° 1 – M’IGNORER dans ses mauvais jours.
N°2 – DU CHANTAGE si je lui refuse quelque chose.
N°3 – M’HUMILIER pour me rabaisser.
N°4 – LA MANIPULATION pour me forcer à faire quelque chose.
N°5 – LA JALOUSIE quoi que je fasse.
N°6 – LE CONTRÔLE de mes déplacements et de ma façon de m’habiller.
N°7 – L’INTRUSION dans mon téléphone ou en me géolocalisant.
N°8 – L’ISOLEMENT pour m’éloigner de mes amis, de ma famille.
N°9 – L’INTIMIDATION pour me terroriser et me faire passer pour une folle..

Pour plus d’infos cliquer ici.

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Légende photo : Jean Imbert au « Jean Imbert Dîner » photocall au 77th Festival de Cannes à la plage Nespresso le 18 mai 2024 à Cannes, France.

Photo de Vivien Killilea/Getty Images for The Cannes Pajama Party/ GETTY IMAGES EUROPE / Getty Images via AFP.

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