Circle est la marque française éco-responsable qui bouscule les codes du sportswear. Fondée par Romain Trébuil et Alex Auroux, qui se sont rencontrés sur les bancs de Kedge Business School, Circle opère deux ans après sa création une nouvelle levée de fonds d’un montant de 2.5 millions d’euros. Circle – nommée ainsi en référence à l’économie circulaire et aux anneaux olympiques – est aussi le témoin qu’un cercle vertueux est possible quand il s’agit de combiner économie et écologie. Rencontre avec Romain Trébuil.
The Good : Quel chemin avez-vous parcouru avant de créer Circle ?
Romain Trébuil : Avant de créer Circle, j’ai travaillé pour des grands groupes. Ma première expérience fut chez Yves Saint Laurent en mode puis après chez L’Oréal où j’ai travaillé pendant 5 ans. J’ai bossé en marketing, en sales, en ressources humaines, en achats. J’ai eu la chance de couvrir en 5 ans tous les scopes de métiers. Puis j’ai créé ma première start-up dans la tech : une marketplace pour connecter des freelances avec des grands groupes tout en apportant un socle de services pour les premiers et de sécuriser la relation pour les seconds. J’ai surtout développé cela en Angleterre et aux Etats-Unis et un peu en France aussi. Cette société a très vite grandi et a eu un impact important sur les freelances. Fin 2018, j’ai eu l’opportunité de revendre cette société à Adecco et Microsoft.
TG : Quelle est la genèse du projet ?
R.T : Cela faisait une bonne année que j’étais passionné par l’économie circulaire. Je m’y suis intéressé en tant que modèle économique à part entière. Pour moi il y a deux modèles pour allier économie et écologie, d’un côté la décroissance et de l’autre, l’économie circulaire. Il ne faut pas se voiler la face pour le premier, le nombre de personnes qui accéderont à la consommation va continuer d’exploser. L’autre moyen est donc l’économie circulaire. Je suis passionné de sport depuis très longtemps, notamment de ski, de tennis et de running et je faisais fabriquer mes vêtements, à Paris, parce que j’aime les matières proposées et je savais qui me les fabriquait. Ayant une consommation responsable du vêtement sauf pour le domaine du sport – tout est fabriqué à l’autre bout du monde, à partir de pétrole – je me suis alors dit que c’était dommage qu’il y ait autant d’initiatives dans la mode mais aucune dans le sportswear. Par ailleurs, tout sportif a forcément un engagement éco responsable : quand on court, qu’on fait du yoga ou bien de l’escalade, on n’a pas envie de voir des endroits pollués autour de soi. L’idée de Circle m’est ainsi venue de toutes ces réflexions. J’ai réuni une équipe d’experts autour de moi avec une directrice artistique de chez Hogan, Solène et Alex qui vient de l’univers du sport, mes deux associés. On a aussi tout de suite investi auprès d’une experte sur la traçabilité de tous les matériaux.
TG : Quels étaient dès le départ les engagements portés par Circle ?
R.T : Il y avait dès le début des points-clés essentiels. Le premier était de fabriquer le tout à partir de matières recyclées ou biosourcées. Le deuxième était d’avoir du 100% made in Europe. Autrement dit, ne pas juste fabriquer en France et au Portugal mais aussi avoir des matières contrôlées exclusivement d’origine européenne. On s’est ensuite lancé en précommande, en essayant au fur et à mesure d’avoir toujours une production la plus juste possible. Et nous nous concentrons des essentiels, des vêtements intemporels, qui ne vont pas se démoder au bout de quelques semaines. On propose une livraison à vélo. On a eu la chance l’année dernière de pouvoir livrer 60% de nos clients à vélo dont 50% à Paris directement. Nous avons aussi créé une solution en fin de vie du produit, qui nous permet de séparer les différents fils de notice pour fabriquer les futures collections à partir des premières collections. Nous avons créé tous les protocoles pour et ferons après l’industrialisation quand les personnes auront user leurs produits. Tous ces engagements nous ont permis d’avoir un très beau développement depuis notre lancement sur Ulule en 2020, marqué par deux collaborations. La première avec Saint-James, c’était la première fois que la marque mettait un pied dans le sport. Nous avons créé un tissu recyclé qui a été un réel carton. La deuxième était avec Merci, un concept-store au cœur du quartier historique du Haut-Marais.
TG : Quels sont les futurs projets de Circle ?
R.T : Notre levée de fonds va nous permettre d’aller plus loin sur 3 domaines : l’innovation, la croissance et le développement des équipes. Aujourd’hui nous avons certes des matériaux recyclés, mais cela reste du pétrole. Nous souhaitons remplacer ces polyesters et polyamides par du plant-based. L’idée est de sortir notre propre matière à partir de l’année prochaine. Ensuite nous allons très prochainement ouvrir nos premiers points de vente physique, notamment au Bon Marché, pour expliquer l’expérience Circle, les matières, les procédés de fabrication. Nous allons aussi développer notre gamme produit en investissant dans la créativité. Circularité, créativité et désirabilité vont ensemble. Il ne faut pas qu’on tombe dans le biais qui est de dire : “je suis écoresponsable donc je suis ennuyeux ». Au contraire, il faut amener la créativité du côté feel good. Nous aurons gagné quand quelqu’un qui s’en fiche de l’environnement viendra acheter chez nous ! Quand à la structuration des équipes, nous avons recruté une Directrice Marketing, un nouveau Directeur des ventes qui vient de chez Veepee. Si nous voulons avoir un vrai impact il faut être grand. Nous sommes aujourd’hui notés sur ClearFashion comme la marque la plus clean au monde. L’objectif, c’est de rester à ce niveau d’excellence tout en grandissant. Nous mettons tout en œuvre dans nos valeurs, nos processus, nos recrutements. Nous allons continuer à développer notre e-commerce en France, en Europe et nouer de nouveaux partenariats de distribution notamment avec des salles de sport.
Circularité, créativité et désirabilité vont ensemble.
TG : Le sourcing des matières est un vrai challenge pour vous, n’est-ce pas ?
R.T : Toutes les matières sont développées par nous-mêmes. Nous avons un cahier des charges extrêmement lourd avec 50 points de contrôle sur les matières. Nous réalisons un audit de toute la chaîne et ensuite nous faisons des tests. Avant de lancer un produit, nous le testons auprès de notre communauté d’ambassadeurs passionnés par le sport. Ils nous font des feedbacks. Cela met beaucoup de temps. Notre produit sort quand il est prêt, pas quand c’est le moment de sortir à tout prix une nouveauté. Tout prend beaucoup plus de temps et demande beaucoup plus d’argent. Par exemple, le travail des couleurs nous a pris trois mois, au lieu de deux semaines. C’est aussi essentiel pour nous de construire des relations durables avec nos partenaires. L’impact social que l’on peut avoir auprès d’eux est super important. J’ai personnellement visité tous les ateliers qui fabriquent nos produits. C’est la somme de toutes ces petites choses qui fait la différence.
TG : Comment communiquez-vous ?
R.T : Nous communiquons principalement sur notre site internet, nos réseaux sociaux. Nous avons aussi nos clubs, club de yoga et running club. Nous sommes une entreprise à mission. Notre mission, c’est d’aider les gens à prendre soin d’eux et prendre soin de la planète. Notre club de yoga est gratuit, à raison d’une séance par semaine car nous ne souhaitons pas concurrencer les autres clubs. Nous avons eu plus 3 000 demandes d’inscription début janvier. Nous faisons des séances de formation des coachs des clubs de sport partenaires pour qu’ils relaient ensuite les valeurs de l’entreprise. Le offline est aussi important que le online. Les points de vente physiques vont nous aider à communiquer progressivement nos messages. Plus on communique, plus on donne envie aux personnes de s’engager.
TG : Votre communication est très inclusive également ?
R.T : J’ai envie de dire que cela fait partie de nos valeurs. Nous voulons que tout le monde puisse avoir accès à nos produits. Au début par exemple nous ne proposions pas de taille double XL, ce qui a donné lieu à des critiques, maintenant on est en train d’en développer. Tout type de morphologies doit pouvoir trouver son bonheur chez nous. Nous souhaitons aussi que nos produits puissent être portés en dehors de l’activité purement sportive. Nous développons plutôt des coupes de produits lifestyle avec des matières en revanche très techniques. Nous voulons faire passer un message feel good : on ne fait pas du sport que pour la performance mais pour prendre soin de soi, se dépasser. Le covid a accéléré cette envie de prendre soin de soi, de pratiquer du sport aussi. Il y a de moins en moins de cloisons.
TG : Auprès de qui avez-vous effectué votre récente levée de fonds?
R.T : Il n’y a pas un seul fonds mais plusieurs notamment un en Angleterre. Ce ne sont pas forcément des fonds à impact. On a des ambitions très grandes et une valorisation qui n’est pas petite, c’est pour cela qu’on ne s’est pas dirigé vers les fonds à impact. J’ai voulu m’entourer de personnes qui étaient déjà dans les domaines de la mode et du sport. On s’est doté de business angels qui ont des vraies expériences sur le sujet. On a des sportifs, des experts de la mode, du digital.
TG : A terme vous souhaitez couvrir d’autres sports que le yoga et le running ?
R.T : Nous avons l’ambition d’être une marque multisport. L’industrie s’est cloisonnée par types de sport et types de technologie pour tout simplement multiplier le nombre de références et pousser à la surconsommation. Nous, nous disons plutôt « tu peux porter le même produit pour différent sport. » Notre legging peut être porté par la championne d’Europe d’Ultra Trail Stéphanie Gicquel qui court 300 km avec et par nos coachs yoga ou par une escaladeuse. Tous nos produits sont testés dans à peu près vingt sports. Au fur et à mesure, nous allons développer deux gammes. La première Everyday Players comportera les essentiels. La deuxième Legendary Club aura des produits techniques pour une pratique intense et précise.