17/12/2024

Temps de lecture : 4 min

Les coulisses du succès des 3èmes Assises de l’éco-production

Son but : mobiliser le secteur audiovisuel pour limiter son impact écologique.

Les 3ème Assises de l’éco-production, organisées par Ecoprod, se sont tenues le 10 décembre dernier à l’Académie du Climat. Ecoprod, l’association de référence qui accompagne depuis 2009 la transition environnementale dans les secteurs audiovisuel, cinéma et publicitaire, a réuni près de 450 professionnels mobilisés sur ce sujet.

En 2023, Ecoprod lançait le premier label d’éco-production qui certifie qu’un film, une émission TV ou d’une publicité a réduit son impact environnemental. Si un an après son lancement plus de 120 productions ont déjà été labellisées, Pervenche Beurier, la Déléguée Générale d’Ecoprod, regrette que “celles-ci ne soient pas encore la norme” et a souligné “l’importance de ne pas céder au fatalisme de la situation environnementale catastrophique et d’avancer ensemble pour faire évoluer toute notre industrie”. 

Le poids considérable de l’industrie audiovisuelle a été rappelé par Jean-Marc Jancovici en clôture de l’événement : “Le numérique représente environ 4% des émissions carbone mondiales, c’est l’équivalent de la flotte mondiale de camions ou de 2/3 de la flotte mondiale de voitures. Et l’audiovisuel y participe en grande partie.”

Le programme construit autour de 3 thématiques clés – anticiper, innover et fédérer – a permis d’aborder aussi bien les solutions concrètes sur l’organisation des tournages éco-responsables, que les enjeux réglementaires, l’impact sur la biodiversité ou le poids écologique croissant de l’intelligence artificielle.

Alissa Aubenque et Lucas Boubel d’Ecoprod ont présenté la nouvelle étude sur l’empreinte carbone du secteur qui estime que “l’impact moyen d’une heure de programme tout genre confondu (film, série, publicité documentaire etc.) était de 16 tonnes équivalent CO2, sachant qu’un Français émet 10 tonnes par an. Si l’on considère l’impact par minute produite, c’est la publicité qui a l’intensité carbone la plus haute, au-dessus des longs métrages de fiction et bien loin devant les documentaires”. Les transports, les groupes électrogènes, la matière (particulièrement la construction de décors) sont des postes d’impacts importants.

La nécessité d‘intégrer la préservation de la biodiversité et les pratiques d’éco-production dans l’industrie audiovisuelle a été illustrée par Mathieu Thill, coordinateur d’éco-production, à travers des exemples concrets tirés du tournage d’Alex Hugo, tels que le choix de tourner en lisière de forêt plutôt qu’en son cœur et l’enregistrement des sons en post-production pour préserver la faune locale.

De nombreuses innovations techniques et d’usage émergent dans le secteur, tels des alternatives aux groupes électrogènes thermiques, des nouvelles technologies en studio d’animation qui permettent de réduire la consommation d’énergie ou la conception de décors éco-responsables, axé sur le réemploi et l’utilisation raisonnée de ressources.

L’intelligence artificielle (IA) générative soulève des enjeux complexes liés à sa conception, son fonctionnement technique et son utilisation. Malgré ses promesses de productivité et d’innovation, le déploiement des IA a un coût énergétique énorme et croissant (consommation d’eau, d’énergie, de matériaux rares). En audiovisuel, l’IA pourrait intervenir à chaque étape, de l’idéation jusqu’à la post-production, mais entraînerait l’uniformisation des contenus et une perte de savoir-faire. Une approche plus sobre et éthique est nécessaire, qui passe par la transparence sur les impacts de l’IA, la priorisation des alternatives responsables plutôt que l’IA, et l’intégration de récits culturels favorisant des futurs soutenables.

La table ronde “Écrire et réaliser une production éco-responsable : allier créativité et durabilité” a souligné l’importance d’intégrer les enjeux environnementaux dès la phase d’écriture. Cette anticipation offre la possibilité de statuer rapidement sur des choix clés en termes d’émissions carbone et de se tourner vers d’autres alternatives. Plutôt qu’un obstacle à la créativité, ces considérations ouvrent de nouvelles perspectives, permettant de repenser les pratiques et de s’affranchir de représentations dépassées.

“On parle d’aspects pratiques en éco-production mais on parle aussi de représentations pour le monde. On a entre les mains des moyens très puissants de rendre enviables des comportements et d’en ringardiser d’autres.” – Gildas Bonnel

Malgré les contraintes imposées par un contexte socio-économique incertain, les participants ont relevé des progrès notables : ces dernières années, de nombreux groupes audiovisuels et publicitaires ont amorcé une transition vers des stratégies de production plus responsables et durables.

CANAL+, Mediawan et France Télévisions ont su saisir les outils mis à disposition par Ecoprod afin de s’engager en première ligne dans la transition du secteur. Toutes les productions de flux de Canal+ ont été labellisées, France Télévisions a obtenu le label argent sur sa plus grosse série quotidienne, “Un si grand soleil”, et Mediawan s’engage à systématiser l’éco-score sur toutes ses productions et à former ses collaborateurs.

Cet engagement s’inscrit dans la continuité des politiques publiques. Depuis janvier 2024, le plan Action ! du CNC a imposé aux productions un double bilan carbone, prévisionnel et définitif, pour tous les projets postulant aux aides publiques, ce qui a accéléré la prise de conscience du secteur.

Les principaux enjeux de la transition du secteur sont le partage d’informations, la formation et l’adaptation économique et financière du secteur à l’éco-production qui, comme le rappelle Marine Schenfele, responsable RSE Canal+ Europe, représente une augmentation du budget de tournage de 0 à 1% pour une diminution de l’impact carbone de 40%.

Jean-Marc Jancovici (Ingénieur, professeur, co-auteur de la BD Le Monde sans Fin, co-fondateur de Carbone 4) a clôturé cette journée : “Si on est sérieux sur la nécessaire réduction de 5% par an [des émissions de gaz à effets de serre], on contractera l’économie réelle de 3 à 4% par an. C’est un covid par an. La probabilité que l’audiovisuel en sorte indemne paraît peu probable.“ Mais pour appréhender la transition environnementale et s’armer dans la crise climatique, il a deux mots d’ordre : “Lucidité et enthousiasme” car chaque effort collectif nous prépare un peu mieux aux changements inéluctables à venir. 

Cette journée, marquée par des échanges et débats instructifs, témoigne de l’engagement fort du secteur en faveur de l’accélération de la transition environnementale. Rendez-vous en 2025 pour la prochaine édition des Assises de l’éco-production.

Replays des Assises de l’éco-production

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