Lancé il y a un an, Time for the Planet est un fonds à but non lucratif qui veut créer et financer 100 entreprises «open source» pour lutter contre les gaz à effet de serre. Ce projet fou hybride entre start up studio, fonds d’investissement et mouvement citoyen prévoit d’atteindre le milliard d’euros d’ici cinq à dix ans. Rencontre avec Coline Debayle, co-fondatrice de Time for the Planet, qui veut donner du sens à ses actions entrepreneuriales, sauver le climat et changer le monde avec bienveillance.
The Good : Vous êtes co-fondatrice de Time for the Planet avec 5 associés – Mehdi Coly, Nicolas Sabatier, Laurent Morel, Arthur Auboeuf et Denis Galha Garcia. Où en est Time for the Planet après son lancement il y a un an ?
Coline Debayle : Après un an d’existence, nous avons fédéré 22 000 associés qui ont signé pour plus de 7 millions d’euros et nous allons lever plus de 10M€ en 2021. Nous avons rassemblé le dernier million en un mois (au lieu de 10 mois) donc nous sentons une formidable accélération et Time For The Planet avance très vite. Nous avons des associés qui sont fiers d’appartenir au mouvement et qui sont très dynamiques sur les réseaux sociaux. Le mouvement Time for the Planet est pensé comme un objet dont tout le monde peut s’emparer pour le porter encore plus haut. Nous misons vraiment sur l’intelligence collective et sur le fait que ce sont les citoyens qui regagnent du pouvoir sur le dérèglement climatique en passant à l’action. Nous préparons l’international mais cela va prendre du temps. En effet, comme nos frais ne doivent pas dépasser 10% maximum des fonds levés, si nous voulons le faire correctement, notre déploiement international va coûter cher et sera un peu plus long. Il faut savoir que l’essentiel des fonds sert à financer les entreprises. Les fondateurs de Time for The Planet ne se payent pas pour l’instant. Dès que nous aurons atteint les 10M€ de fonds, nous pourrons accepter de demander un salaire qui devra être impérativement validé en assemblée générale (avec un maximum de 4 smic). Nous sommes déjà une entreprise à mission mais aussi à but non lucratif. Dans cette formule originale nous avons réussi à faire en sorte qu’il ne soit pas possible de se verser des dividendes (sauf si on revenait à +0˚C de l’ère pré industrielle ce qui est bien sûr impossible). De plus, personne ne peut revendre ses actions plus chères. Notre gouvernance interdit toute spéculation.
The Good : Quand allez-vous financer les premières innovations sélectionnées pour lutter contre les GES et quelle sera la taille de ces investissements ?
CD : Nous allons soumettre le 26 juin en assemblée générale, la proposition d’investir dans deux premières entreprises pour un ticket situé entre 1 et 2 M€.
Ces start-up sont issues des 5 entreprises sélectionnées par notre comité scientifique. Notre objectif est d’en créer trois cette année. En assemblée générale, nous préciserons la nature de l’innovation mais nous allons aussi proposer des co-fondateurs qui viendront épauler l’innovateur de chaque entreprise. Nous allons pouvoir comptabiliser précisément les tonnes de CO2 économisées par ces innovations. Il est important d’investir au bon moment car l’échéance du 26 juin était décisive pour bénéficier des mesures sur le CO2 économisé. Il faut bien sûr que les deux entreprises soient rentables et qu’elles permettent de réduire les GES (Gaz à Effet de Serre). Un audit sera réalisé chaque année par un cabinet indépendant. Le choix de ce cabinet se fera aussi en assemblée générale.
TG : Vous avez développé des offres à destination des entreprises. Quel est le challenge et l’avantage pour une entreprise d’être actionnaire de Time For The Planet ?
CD : Nous avons construit pour les entreprises une offre à deux niveaux.
La première est l’offre « Climate deal » pour toutes les entreprises, accessible sur notre site, dont l’investissement minimum dépend du nombre de salariés de l’entreprise. Elle s’articule autour de trois avantages pour l’entreprise :
– Offrir des actions à ses salariés pour les embarquer dans la transition de manière enthousiaste. L’entreprise aura une page internet dédiée sur le site Time for the Planet expliquant son activité, la liste des collaborateurs associés à titre personnel pour montrer un alignement des valeurs entre ce que soutient l’entreprise et l’engagement personnel des collaborateurs.
– Permettre d’indiquer ses dividendes CO2 dans son rapport RSE
– Disposer de l’accès à une veille mondiale sur la décarbonation avec plus de 500 innovations pré-analysées par plus de 3500 évaluateurs. Cet écosystème est extrêmement puissant pour identifier les meilleures solutions décarbonées pour les entreprises qui cherchent à investir ou identifier des fournisseurs.
La seconde est l’offre « Climate Deal Core Partner », réservée aux investissements à partir de 2M€ pour les grandes entreprises (1M€ pour les ETI). Elle permet de co-construire un partenariat sur-mesure avec les entreprises qui ont décidé de faire de Time for the Planet un engagement central dans leur stratégie.
Nous sommes en train de créer aussi un Comité des grands patrons français qui sera notre comité de levée de fonds pour nous aider à atteindre le milliard d’euros le plus vite possible. Nous avons aussi mis en place des garde-fous juridiques et des mesures spécifiques contre le greenwashing. 2000 entreprises nous ont déjà rejoints.
TG : Est-ce que Time for the Planet a mis en place sa propre stratégie RSE ? Est-ce que le numérique responsable fait partie de vos enjeux d’impact ?
CD : Oui nous avons fait notre propre bilan carbone avec Sweep. Nous essayons de faire attention avec nos vidéos en basse définition et tous nos déplacements sont réalisés en train. Nous ne pouvons pas supprimer nos vidéos car nous essayons de mesurer le coût/bénéfice de chacune de nos actions. Si une vidéo vue permet de lever 5 M€ qui a un potentiel de retirer 1% des GES, nous continuerons de le faire. Nous essayons de faire le plus attention possible à nos propres impacts. C’est un chemin progressif.
TG : quelles sont les prochaines initiatives prévues pour Time for the Planet en 2021 ?
CD : Nous allons sortir début juin notre livre manifeste « Pisser sous la douche ne suffira pas ». Il sera auto-édité, disponible imprimé à prix coûtant pour 5€ seulement. Nous souhaitons en faire un vrai objet viral, vous pourrez d’ailleurs rajouter vos initiales sur la deuxième page avant de le passer à quelqu’un d’autre.
Nous préparons aussi pour septembre une belle vidéo avec beaucoup de personnalités comme Sébastien Chabal qui vont se joindre au mouvement.