The Good : Quels sont les axes stratégiques de la politique RSE de Martell, Mumm et Perrier Jouet ?
Sonia Le Masne : Notre stratégie repose sur quatre volets : préserver les terroirs, agir circulaire, valoriser l’humain et être responsable. Ce dernier point concerne la consommation raisonnée d’alcool, que nous accompagnons avec notre programme « drink more water » (NDLR : « Buvez plus d’eau »). Politique que nous appliquons aussi dans nos campagnes de publicité dédiées comme « Même un peu c’est déjà trop » ou la certification interne de nos « brand homes » (NDLR : « maisons de marques ») en tant qu’hôte responsable comme au Château de Chanteloup de la Maison Martell ou à la Maison Belle Epoque de Perrier-Jouët à Epernay. Nous formons nos équipes pour qu’elles s’inscrivent dans notre volonté de préserver l’humain, de tendre vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes, plus de sécurité et sur les métiers du futur.
The Good : Comment mettez-vous en pratique la vision de votre président Guillaume Girard-Reydet « Nous serons jugés demain sur nos pratiques d’aujourd’hui » ?
Sonia Le Masne : Nous souhaitons préserver nos terroirs, dont l’appellation est d’origine contrôlée. Nous sommes dépendants de leur résilience comme nous travaillons avec des produits prestigieux à vieillissement. Nous sommes des passeurs d’histoire avec une vraie vision sur le long terme. La maison Martell est née en 1715 !
Cela nous demande de mettre en place une stratégie d’adaptation et d’atténuation pour renforcer la santé des sols et des ecosystèmes. Depuis 2021, nos vignobles en propre (260 hectares en Champagne et 450 hectares en Cognac) ont démarré un programme d’expérimentation en viticulture régénératrice qui vise à augmenter la fertilité et la vie du sol, à améliorer la santé de la vigne et à favoriser la biodiversité. Nous avons installé des haies, des logis pour animaux et des couverts végétaux dans plusieurs endroits des vignobles. Nous travaillons sur la santé de nos plantes, en utilisant des intrants bio-alternatifs, plus doux mais qui peuvent nécessiter des applications plus fréquentes. Depuis quatre ans, la qualité du sol progresse, entourées d’experts (Pour une agriculture du vivant, Biosphères) nos équipes montent en compétences et en confiance sur ces sujets. Elles partagent régulièrement avec les partenaires vignerons, dont certains se lancent aussi.
Depuis 2016, Martell expérimente des nouvelles variétés de raisins naturellement plus résistantes aux maladies de la vigne et mieux adaptées au réchauffement climatique.
The Good : Comment travaillez-vous avec vos parties prenantes ?
Sonia Le Masne : Toutes nos réalisations sont le fruit d’un travail collectif. Nous accompagnons nos partenaires vers une viticulture durable en Champagne et à Cognac avec l’idée de maintenir le dialogue et de partager nos connaissances. Nous travaillons avec l’ensemble des acteurs AOC, que ce soit les familles de la viticulture et celles du négoce. Nous partageons par exemple nos émissions CO2 sur les différents scopes, que nous mesurons depuis cinq ans. Nous travaillons aussi avec l’INRAE et le conservatoire du vignoble charentais sur la recherche variétale.
Nous faisons partie d’une coalition d’entreprises qui travaillent ensemble pour réduire l’empreinte carbone des packagings. Avec l’interprofession nous expérimentons sur la distillation bas carbone. L’acheminement en cargos à voile de nos produits entre Le Havre et New York est aussi le fruit d’une rencontre avec TOWT (Trans Oceanic Wind Transport), une jeune entreprise bretonne. Ce mode de transport permet de réduire de 90% les émissions carbone sur cette route.
Depuis 2014, nous soutenons l’Office National des Fôrets (ONF) car le bois est une ressource fondamentale pour l’élaboration des cognacs de la Maison Martell, puisque toutes nos eaux-de-vie vieillissent en fûts de chêne. À travers cet engagement, nous souhaitons participer à rendre à la forêt ce qu’elle nous apporte. Préserver la santé de nos forêts est aussi un enjeu majeur dans le contexte climatique. Pendant ces 10 années de mécénat, Martell a soutenu l’ONF pour intervenir dans plusieurs forêts : la forêt de la Braconne en Charente, la forêt de Tronçais, la forêt de Bercé, la forêt de la domaniale de la Coubre et, plus récemment, l’arboretum de La Jonchère-Saint-Maurice. La Maison Martell s’est engagée en 2022 à accompagner son partenaire historique l’ONF, via son fonds de dotation ONF-Agir pour la forêt, en tant que mécène sur un projet destiné à faire de l’arboretum de La Jonchère-Saint-Maurice un laboratoire à ciel ouvert pour valoriser, enrichir les collections et renforcer sa vocation pédagogique en améliorant les conditions d’accueil du public. Sur une surface de 1,5 à 2 hectares, environ 2500 arbres de 40 à 50 espèces différentes (feuillus et résineux) vont être plantés. Certaines espèces choisies n’ont pas encore été testées en France et proviennent du monde entier (calocèdres de Californie, chênes et sapins du pourtour méditerranéen, etc.).
The Good : Comment vous projetez-vous à horizon 2030 ?
Sonia Le Masne : D’ici 2030, nous visons : 100 % des viticulteurs partenaires certifiés (CEC, HVE ou Bio), 100 % de nos deux vignobles en propre en viticulture régénératrice et la diffusion de ces pratiques dans une démarche de progrès continu. Nous aurons aussi accéléré la mise en place des actions concrètes et durables en faveur de la biodiversité et continué le mécénat avec l’ONF, l’appel à projet biodiversité avec la Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne de l’Unesco démarré en 2023, et le programme de conservation de la mangrove en Chine lancé en 2021 avec Conservation International.