22/11/2021

Temps de lecture : 3 min

Transition énergétique : quels scénarios pour quels futurs ?

Doit-on sortir du nucléaire ? Parier exclusivement sur le renouvelable ? Bannir les énergies fossiles dès 2030 ? Autant de questions cruciales auxquelles des scientifiques de négaWatt, The Shift Project et RTE tentent de répondre en élaborant des scénarios énergétiques. Des projections certes hypothétiques, mais déterminantes pour dessiner le paysage de demain.
Pierre-François Thaler

Doit-on sortir du nucléaire ? Parier exclusivement sur le renouvelable ? Bannir les énergies fossiles dès 2030 ? Autant de questions cruciales auxquelles des scientifiques de négaWatt, The Shift Project et RTE tentent de répondre en élaborant des scénarios énergétiques. Des projections certes hypothétiques, mais déterminantes pour dessiner le paysage de demain.

Sortir de la civilisation fossile est aujourd’hui une priorité incontestable. Malgré l’échec de la COP26 et les velléités de la Chine et de l’Inde sur le charbon, l’écrasante majorité des gouvernants de ce monde ont compris l’incompatibilité structurelle des énergies fossiles avec un monde habitable. Mais comment s’en sevrer sans souffrir d’une crise énergétique, économique et sociale ? Dans un monde où l’énergie est indispensable à notre alimentation, notre logement et notre mobilité, la transition est une périlleuse ligne de crête qu’il s’agit de planifier. Ce à quoi s’attèlent plusieurs associations.

négaWatt, cap vers la sobriété et le renouvelable 

Fondée à l’orée des années 2000, cette association tire son nom du négawatt, c’est-à-dire l’énergie qu’on peut économiser par la sobriété énergétique (réduire les besoins humains) et l’efficacité énergétique (réduire les besoins de la machine). En couplant ces deux pratiques au développement intensif des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique, biogaz), le scénario négaWatt envisage la neutralité carbone en 2050 sans perte de qualité de vie ni usage des énergies fossiles et nucléaires à long terme. Le revers de la médaille, c’est une réduction ambitieuse des deux tiers des besoins français en énergie primaire, soit a minima deux fois moins d’énergie pour s’habiller neuf, manger de la viande, prendre la voiture thermique etc. Retravaillé à plusieurs reprises au fil des années 2000 et 2010, le scénario négaWatt s’est consolidé en intégrant des données démographiques, urbaines et industrielles. Pour sa sortie progressive du nucléaire et son exigence de sobriété, c’est le scénario que reprennent la plupart des écologistes français. Mais plusieurs critiques subsistent. On en gardera deux : d’abord la variabilité des énergies renouvelables due à la météo et à l’alternance jour-nuit, ensuite des scénarios bâtis sur une hypothèse de croissance difficilement tenable au regard du tarissement des énergies fossiles et de la dérive climatique.

The Shift Project, pragmatisme nucléaire et sobriété 

Contrairement à négaWatt, l’association The Shift Project, dont nous avions déjà parlé ici, ne travaille pas sur des scénarios énergétiques, mais sensibilise les décideurs politiques et économiques à la double contrainte du carbone (dérive climatique et raréfaction du fossile). Dans leurs rapports et leurs notes d’analyse, les scientifiques du Shift envisagent un futur énergétique qui se sèvre des énergies fossiles, mais qui intègre très largement l’énergie nucléaire. Les énergies renouvelables sont également présentes, mais nettement moins centrales que chez négaWatt, car leur production est jugée trop variable à l’échelle d’un pays. Les pro-nucléaires ont ainsi l’habitude de se ranger derrière les recherches du Shift Project pour étayer leurs positions. Mais au-delà de ce désaccord nucléaire/renouvelable, les deux associations amies s’entendent. À l’image du scénario négaWatt, le Plan de transformation de l’économie française du Shift Project prévoit une économie où les solutions technologiques (l’efficacité énergétique) laissent une place importante à la sobriété, aux alternatives low-tech (technologies accessibles, utiles et durables) et à une forme de décroissance (au sens où le PIB est un indicateur dépassé).

RTE, six scénarios pour viser large

Le gouvernement français a commandé en 2019 une étude sur l’avenir du système électrique à RTE (Gestionnaire du Réseau de transport d’électricité), filiale d’EDF. Cette dernière a présenté six scénarios à horizon 2050, dont les trois premiers prévoient une sortie plus ou moins rapide du nucléaire et le développement des énergies renouvelables avec une part plus ou moins importante d’éolien maritime, terrestre et de solaire. Les trois derniers scénarios intègrent le nucléaire par la fabrication de nouveaux EPR, voire de mini-réacteurs d’appoint (SMR), tout en développant plus ou moins vite les énergies renouvelables. Sans trancher, RTE pointe les limites des deux scénarios les plus radicaux : celui sans aucune énergie nucléaire en 2050 et à l’inverse, celui qui prévoit un investissement massif dans l’atome. Un scénario 100% renouvelable est jugé possible, mais complexe car doté de beaucoup d’incertitudes estime RTE. Il faudrait un investissement héroïque, bien plus rapide que celui des pays scandinaves par exemple. De la même manière, le développement de nouveaux EPR et de SMR représentent des défis techniques colossaux. Vous l’avez compris, le débat sur l’énergie est complexe et loin d’être aussi dualiste que prévu. Derrière les pro-nucléaires technophiles et les pro-renouvelables de la lampe à l’huile, une myriade de points de vue tapissent le débat sur l’énergie. À vous de faire le vôtre.

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