Selon l’indice démocratique global publié fin février par The Economist Intelligence Unit, la démocratie recule dans le monde, et seuls 6,6 % de la population mondiale vit aujourd’hui dans un régime démocratique. Ce constat nous invite à nous questionner : comment mieux protéger démocratie et état de droit ?
Pour cela, quoi de mieux que de revenir à la source du « pouvoir du peuple » ? Aujourd’hui comme hier, la raison et l’émotion, deux piliers du régime politique de la Grèce antique, sont des leviers puissants pour ranimer la flamme démocratique et éviter le retour du despotisme.
L’un des premiers piliers de la démocratie athénienne, c’est le débat citoyen. Dans l’agora, les points de vue se confrontent, les citoyens s’impliquent, et le débat garde vivant l’esprit démocratique. Pour qu’il soit fertile, aujourd’hui comme il y a 3000 ans, le débat doit être ouvert à la contradiction, respectueux des points de vue différents ; il doit accueillir le « dissensus ». Or, à l’heure du clash scénarisé et mis en scène sur les réseaux sociaux et du bombardement des chaines d’information continue, le véritable débat démocratique est en danger.
Protéger la démocratie par la raison, mais aussi par l’émotion. Là encore, les Grecs ont montré la voie : quoi de mieux qu’une grandiose cérémonie olympique pour cesser les hostilités, et à l’occasion d’une trêve sacrée, ressouder un peuple autour d’une culture et de valeurs communes ? La parenthèse enchantée qu’a vécue la France l’été dernier prouve que ce mécanisme reste pertinent.
Le cinéma, l’un des médias les plus populaires aujourd’hui, est lui aussi légitime pour rassembler ou pour interpeler, en mobilisant raison et émotion.
Depuis sa création, le cinéma est le miroir de la société, le buvard de son époque. De « Soleil vert » à « Moi, Daniel Blake », de « Do the Right Thing » à « Erin Brockovitch », sans oublier « Demain » ou « Rain Man », tant de films ont marqué les esprits en profondeur, suffisamment pour faire changer la manière dont un enjeu de société était envisagé, suscitant même parfois – ce fut le cas pour le très beau film de Mélanie Laurent et Cyril Dion – mouvements civiques et initiatives citoyennes spontanées.
Aujourd’hui, le cinéma continue de refléter les enjeux de notre temps. Enjeux écologiques, politiques, de santé publique ou de tolérance, le cinéma représente ce qui se passe dans notre société et permet, à son échelle, des prises de conscience individuelles ou collectives. Il est un outil majeur pour sensibiliser les esprits, pour alerter et in fine résister à la déferlante réactionnaire à laquelle nous assistons depuis le début de l’année, qui remet en cause des décennies de lutte de toutes les causes progressistes.
Comme de nombreux autres festivals, « Cinema for Change » fait du cinéma une nouvelle agora. La salle obscure devient un lieu de débat et d’émotion. L’équipe du festival sélectionne soigneusement des œuvres qui parlent de notre époque, des films qui interpellent et font réfléchir, avec comme grille de lecture les Objectifs de Développement Durable de l’ONU. Chaque projection se poursuit par une conversation démocratique.
« Cinema for Change » offre également un éveil ludique et éducatif aux enfants, collégiens, lycéens et étudiants, avec l’ambition de leur permettre de mieux comprendre notre monde. Cette année, plus de 35.000 élèves, dans 27 pays, du primaire au supérieur, participent aux Prix Jeunesse et votent pour leur court-métrage préféré. Les débats citoyens qui ont lieu dans chaque classe, animés par les enseignants, contribuent à leur apprendre à débattre et à former leurs propres choix, et les préparent à devenir des citoyens informés et responsables.
Le paradoxe de notre époque, c’est que nous n’avons jamais autant communiqué, et pourtant nous ne nous sommes jamais si peu écoutés. Le cinéma, par l’émotion qui s’en dégage, invite à dialoguer, à refaire cité. Oui, le cinéma a ce pouvoir. À nous de l’utiliser.
Festival CINEMA FOR CHANGE 2025
Au programme : films, débats et rencontres autour de grands enjeux de société.
Gratuit sur inscription ici → https://lnkd.in/eWN43Ya6 (Attention, places limitées !)
Tribune signée Marc Obéron, fondateur du Festival Cinema For Change