23/11/2020

Temps de lecture : 5 min

Une “Convention d’Engagement Volontaire” pour concilier transformation numérique et transition écologique ?

Comment concilier transformation numérique et transition écologique ? C’est la question à laquelle cherche à répondre le livre “Tech it Green” publié par l’Institut G9+, un think tank fédérant 24 communautés de diplômés des grandes écoles et universités et 50 000 alumni autour des enjeux du numérique. Isabelle Albert, Directrice de la publication de l’ouvrage et Didier Carré, Président du G9+ répondent aux questions de The Good. Parmi leurs recommandations, figure la signature d’une Convention d’Engagement Volontaire.

Comment concilier transformation numérique et transition écologique ? C’est la question à laquelle cherche à répondre le livre “Tech it Green” publié par l’Institut G9+, un think tank fédérant 24 communautés de diplômés des grandes écoles et universités et 50 000 alumni autour des enjeux du numérique. Isabelle Albert, Directrice de la publication de l’ouvrage et Didier Carré, Président du G9+ répondent aux questions de The Good. Parmi leurs recommandations, figure la signature d’une Convention d’Engagement Volontaire.

The Good : Quelle est la genèse de votre réflexion sur le thème “Tech IT Green” ?

Didier Carré : Le numérique permet énormément de choses, mais il commence aussi à être attaqué pour son empreinte énergétique. Nous avons voulu, avec notre approche d’ingénieurs, analyser et comprendre les enjeux du sujet, pour pouvoir ensuite prendre les bonnes décisions et ne pas perdre de vue ce que le numérique peut faire de bien.

Isabelle Albert : Actuellement, on a d’un côté le sujet de l’innovation digitale, très concret. De l’autre, celui de la transition environnementale, très complexe. Ce sont deux univers très différents, mais l’un peut se nourrir de l’autre. La réactivité du digital, son agilité, ce ne sont jamais que des moyens, des moyens qui n’ont peut-être pas encore trouvé leur finalité. Dans l’univers de la technologie, on voit pourtant que les Français parviennent à se différencier grâce à la “Tech for Good”. Nous n’aurons pas de GAFA, pas de Huawei, mais on commence à voir des Backmarket qui émergent… 

La question aujourd’hui, c’est de trouver comment mettre les moyens du digital au service de la transition environnementale. Sans pour autant passer sous silence le revers de la médaille : on ne se rend pas encore bien compte de tous les impacts en termes d’énergie ou de raréfaction des minerais.

The Good : Pour éclairer ces enjeux, vous avez interrogé des experts, des entrepreneurs, des investisseurs : qu’est-ce qu’ils vous ont appris ?

Isabelle Albert : L’idée était d’être inclusif, pour intégrer toutes les parties prenantes. Nous avons fait le choix de rencontrer des acteurs de l’investissement – des fonds ou des banques plus classiques, des acteurs purement SI, des acteurs de terrain, des associations, des startups, des acheteurs, des experts. Ce sont des gens qui sont déjà intéressés par ces problématiques et qui nous ont expliqué comment ils font de l’investissement plus responsable, comment ils travaillent sur les data centers ou comment ils agissent sur le terrain… 

De ces échanges, nous avons noté deux grandes tendances. La première, c’est que c’est un sujet qui monte. Il y a cinq ans, la question du numérique et de l’environnement était encore au stade de l’évangélisation. Aujourd’hui, des acteurs comme Orange, Atos, Google ont tous fait des interventions sur le sujet. C’est une tendance qui est en train de devenir très importante, ce qui est déjà une nouveauté. 

La deuxième tendance, c’est le sujet du reconditionnement et des opportunités offertes par l’économie circulaire, avec pour certains intervenants, un sentiment d’urgence. On n’a pas encore pris la mesure de l’enjeu pour s’adapter à ce qui nous attend. Il va bientôt devenir normal de repenser comment on fait, pour agir différemment et ouvrir des opportunités de marché.

The Good : L’enjeu est particulièrement important dans le contexte de la crise sanitaire et de la relance…

Isabelle Albert : Nous avons voulu montrer les deux facettes du numérique, au regard de l’effet “loupe” apporté par le Covid. Nous devons réfléchir à la relance que l’on souhaite : un des enjeux est de faire en sorte que les fonds attribués à la relance et la commande publique soient orientés vers cette révolution à la fois numérique et environnementale, mais de façon réfléchie.

Pour cela, nous avons établi une série de recommandations, à trois échelles :

au niveau individuel,

au niveau des achats des collectivités et des entreprises,

au niveau du secteur numérique dans son ensemble.

The Good : Vous proposez notamment la mise en place d’une “Convention d’Engagement Volontaire” (CEV) : que recouvre ce terme ?

Didier Carré : Les CEV sont des concepts assez anciens : j’ai par exemple participé à celle qui a été signée en 2009, pour le secteur routier, entre des syndicats professionnels, le Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et l’Assemblée des départements de France. 

Elles partent d’un constat : sur des problématiques aussi complexes que l’environnement, on est vite dépassé, car il y a tellement de critères et de paramètres… Le risque, c’est de se retrouver paralysés face aux enjeux. Pour aller plus loin et avancer, il faut donc faire le tri, sélectionner certains critères et en faire des boussoles, puis, quelques années après, on peut se repencher dessus et élargir le champ d’action.

En 2009, les syndicats professionnels ont signé des engagements chiffrés autour de quatre indicateurs : la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la réduction de la consommation d’énergie, le recyclage et l’approvisionnement local. En parallèle, un institut a été créé pour établir les directives et partager les bonnes pratiques aux donneurs d’ordre. Un système d’homologation des différentes techniques de construction a été mis en place pour accélérer les innovations et faire en sorte qu’elles soient plus rapidement adoptées. Un outil d’évaluation des critères environnementaux a également permis d’évaluer l’impact des différentes techniques et de les comparer. Et pour les sujets qui ne peuvent pas être mesurés, comme la biodiversité, un prix a été créé afin d’encourager les bonnes pratiques. 

Une CEV, c’est donc un peu tout ça : des critères, des objectifs, des moyens de mesurer et du partage de bonnes pratiques, pour valoriser les bonnes expériences. 

The Good : Concrètement, qui pourrait participer à cette convention ? 

Isabelle Albert : La signature se ferait sur une base totalement volontaire, de la part des différents acteurs du numérique, quelle que soit leur taille, de l’agence de développement à la direction achat d’un groupe du CAC40. Chacun pourra avoir un ensemble de critères et d’objectifs concrets, comme par exemple ceux d’acheter davantage de matériel reconditionné ou d’allonger le cycle de vie de son matériel. 

Nous voulons commencer par un noyau dur, avec aussi bien des associations de professionnels du numérique, des associations militantes, des instituts de recherche, l’ADEME… Nous nous sommes déjà rapprochés d’un certain nombre d’acteurs. Aujourd’hui, l’approche est encore soit très militante, soit très corporate : on a besoin de rapprocher les deux univers, dans une démarche constructive.

The Good : Pouvez-vous nous donner une idée des différents critères retenus ?

Isabelle Albert : Nous proposons dix engagements, déclinés chacun en trois ou quatre sous-items, avec des Kpis, en lien avec les Objectifs de Développement Durable de l’ONU. 

Parmi eux, il y a la sécurité numérique, l’éco-conception, l’allongement de la durée de vie des terminaux, la problématique des achats responsables, l’optimisation énergétique, la diversité (pas seulement homme/femme), l’accessibilité et la lutte contre l’illectronisme numérique, l’ouverture de l’accès aux données, l’innovation “tech for good”… Le tout dans le cadre classique de la RSE, avec l’intégration des parties prenantes et une démarche d’amélioration continue.

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