A l’heure où Vinted inaugure son nouveau siège à Vilnius, bâtiment économe en énergie, équipé de 100 places de stationnement pour les vélos, dans le respect de la réduction des déchets alimentaires, de la moindre consommation de plastique, et de l’utilisation de meubles recyclés, sa créatrice Milda Mitkute et son CEO, Thomas Plantenga nous racontent l’aventure Vinted. Au passé et au futur.
INfluencia : Milda Mitkute, avez-vous réellement créé Vinted en déménageant de chez votre mère à 21 ans, et en vous apercevant que vous ne saviez plus que faire de vos vêtements ?
Milda Mitkute : c’est la vérité vraie ! Lorsque j’ai déménagé à Vilnius, la capitale lituanienne, pour faire mes études, j’ai emménagé dans un appartement qui était au moins trois fois plus petit que celui de ma mère, où je vivais auparavant. C’est la première fois que je regardais de plus près ce que j’avais dans mon placard. J’ai compté plus d’une centaine d’articles ! Certains étaient encore neufs ou n’avaient été portés qu’une seule fois, je ne me souvenais même pas de ce que j’avais. C’est alors que l’idée de Vinted m’est venue. Je me suis dit : « Et si toutes les filles mettaient leur placard en ligne et que chacune d’entre nous pouvait naviguer dans le placard d’une autre aussi longtemps qu’elle le souhaitait ? Je pourrais me débarrasser du surplus qui ne rentre pas dans mon appartement et aussi trouver quelque chose d’intéressant dans la garde-robe des autres quand c’est nécessaire, en évitant d’acheter à nouveau des vêtements neufs ». De là à penser que Vinted imaginé pour mon réseau d’amis et moi alors que j’avais 21 ans, aurait un impact sur la manière de consommer la mode… Loin de moi.
IN : La mode vous intéressait-elle ?
M.M : Pour tout vous dire je n’ai jamais suivi une tendance mode en particulier. Je suis pour le style, pas pour la mode. Le style perdure, il n’est pas rattaché à une époque, alors que la mode change d’années en années. Je n’aimais pas voir la même robe partout en ville (simplement parce qu’elle était très à la mode et que tout le monde l’achetait au même endroit). J’adorais chercher des choses qui correspondaient à mon style tout en étant en rapport avec la mode actuelle. Lorsque j’ai obtenu mon premier emploi, j’étais étudiante et je cherchais des moyens de m’exprimer : ma tenue était mon langage. Cela ne me dérangeait pas d’expérimenter différents styles et humeurs. En 2008, quand Vinted est née, ma garde-robe était un peu décontractée, un peu classique, un peu chic, un peu exotique :). C’est ainsi que j’ai fini par avoir une garde-robe qui débordait. Mais quand j’ai réalisé que je possédais trop de vêtements, je ne voulais tout simplement pas les jeter. La solution qui m’est venue à l’esprit était d’offrir la possibilité à d’autres de les réutiliser.
IN : Y-avait-il une intention écologique de votre part, ou est-ce un hasard, si aujourd’hui Vinted est l’exemple de la mode recyclable par excellence ?
M. M. : Il y a dix ans, l’écologie n’était pas aussi importante qu’aujourd’hui.J’achetais dans des magasins d’occasion mais je n’étais pas une grande fan des petits magasins, avec un choix limité et des habits qui n’étaient jamais à ma taille. Le marché de l’occasion a beaucoup changé depuis, et moi aussi ! Ma conscience écologique a grandi avec Vinted, et aujourd’hui je m’efforce d’introduire des comportements plus responsables dans ma vie quotidienne.
IN : Était-ce une sorte de rejet à l’égard de la fast-fashion de votre part?
M.M. : Grâce à mon expérience et à la prise de conscience des grands défis auxquels notre planète est confrontée, tels que le changement climatique et l’impact environnemental, j’ai appris que la simplicité est préférable : la consommation de produits de bonne qualité et durables est bien plus importante que la quantité. À mon avis, et c’est aussi une tendance récente mais en pleine expansion, il est important de connaître l’histoire qui se cache derrière votre consommation et les produits que vous achetez (par exemple en vérifiant s’ils sont durables ou fabriqués à partir d’ingrédients biologiques). Cela s’applique à la mode, mais pas seulement. J’essaie aussi d’être à la hauteur de cette tendance lorsqu’il s’agit d’aliments, de détergents, de cosmétiques, etc… Je donne aussi la priorité aux produits sans déchets et aux emballages responsables, en vérifiant s’ils sont recyclés, s’ils ne sont pas en plastique ou s’ils sont réutilisables ou non.
IN : La mode est la troisième industrie la plus polluante, vous n’en aviez pas conscience à l’époque. Vinted ne peut pas être un hasard ?
M.M. : Aujourd’hui, c’est devenu une habitude si naturelle de chercher de nouveaux propriétaires pour des objets que nous n’utilisons plus – que ce soit des vêtements ou des affaires de bébé et d’enfant. Avec Vinted, nous essayons de donner aux gens un outil qui permet à tous de vendre et d’acheter des vêtements et accessoire de seconde main de manière pratique et facile. L’occasion doit devenir aussi pratique que la première main, et Vinted y contribue. Et ainsi l’on peut parler des impacts et changements super importants dans le comportement des gens.
IN : La légende veut que vous ayiez quitté Vinted pour fonder une famille…
M.M. : Oui, j’ai pris la décision très difficile de quitter Vinted il y a 4 ans, après avoir consacré plusieurs années à l’entreprise. Je rêvais d’une grande famille et je voulais voir mes enfants grandir et passer le plus de temps possible avec eux. Je suis maintenant maman de 3 enfants, Matas a presque 4 ans, Juozas 2 ans et demi, et Antanas 9 mois. Je vais continuer à me concentrer sur ma famille pendant les années à venir. Mais j’ai aussi recommencé à étudier, en finance et en économie, et à explorer d’autres sujets qui me tiennent à cœur, tel que le lien entre le changement climatique et notre société. Le système éducatif dans mon pays est un autre sujet que je trouve essentiel et très intéressant.
IN : Thomas Plantenga, comment voyez-vous le futur de la mode ? Que pensez-vous des collections qui changent à chaque saison ?
Thomas Plantenga : Je pense que la seconde main pourrait à l’avenir avoir une influence significative sur le concept de la mode. Je ne sais pas si je verrai un jour un monde où tout le monde échangera ses vêtements et où aucun nouvel article ne sera fabriqué. Il est peu probable que cela devienne la réalité.
Mais il semble que notre société veuille enfin adopter une approche plus mature quant à ce que nous consommons et à la manière dont nous consommons. Je suis heureux de voir que de plus en plus de gens se sentent responsables des articles qu’ils possèdent. Cela signifie qu’ils ont commencé à voir les choses dans leur ensemble, à se demander « est-ce que j’en réellement besoin ?”, quel est l’impact sur l’environnement, etc… Les consommateurs éduqués pourraient influencer massivement de nombreuses entreprises et les obliger à s’adapter aux nouvelles normes.
IN : Comment expliquez-vous la rapidité à laquelle Vinted est devenue une marque de mode à part entière ?
T.P. : Vinted est né en 2008 mais nous avons complètement revu le modèle économique en 2016. Le principal changement a été la suppression des frais pour les vendeurs, ce qui était assez nouveau à l’époque. Nos membres pouvaient commencer à référencer et à vendre des vêtements gratuitement (ils gardaient la totalité de l’argent de leurs ventes), alors ils ont commencé à mettre en ligne plus d’articles… ce qui a attiré encore plus d’acheteurs, et c’est devenu un cercle vertueux. Aujourd’hui, la communauté compte plus de 30 millions de membres en Europe, dont 12,5 millions en France. Nous avons également introduit les frais de protection acheteurs – qui est une petite commission demandée aux acheteurs pour accéder à notre système de paiement sécurisé, à de meilleurs tarifs d’expédition et au service clientèle. Nous avons vraiment amélioré la sécurité et la fiabilité de la plate-forme et, parallèlement, nous avons beaucoup investi dans la publicité télévisée pour faire connaître notre produit et notre marque.
IN : Quelle influence a eu la Covid sur Vinted ?
T.P. : Lorsque la crise du coronavirus est arrivée en Europe, nous avons vu que les mesures étaient différentes suivant les pays. Nous avons compris qu’en France ou en Espagne, par exemple, la situation demandait du temps. Nous avons donc privilégié la sécurité de nos membres en étant l’une des premières plateformes à stopper complètement nos opérations, alors que nous aurions pu continuer. En attendant, nous avons développé des solutions techniques pour améliorer la sécurité des échanges pendant le confinement : livraisons échelonnées, sans contact, réservations étendues… Lorsque nous avons repris notre activité en France après 3 semaines d’arrêt, nous étions dans un mode limité mais sécurisé. Puis à la fin du confinement, nos activités ont repris un cours normal, dans l’ensemble de nos marchés. Entre février et juin 2020, le nombre d’articles mis en vente sur Vinted a augmenté de 17% en Europe, France inclus. L’économie mondiale a subi un fort ralentissement, mais nous envisageons l’avenir avec optimisme. En France, nous avons gagné un million d’utilisateurs par rapport au début de l’année, c’est un rythme que l’on constatait déjà avant la crise, et qui montre que la croissance n’a pas ralenti.
IN : Comment expliquez-vous que les jeunes élevés dans la surconsommation des centres commerciaux et des boutiques, aillent shopper sur la plateforme ?
T.P. : lorsque nous demandons à notre communauté (principalement des femmes, âgées de 20 à 35 ans) pourquoi elles utilisent Vinted, plusieurs motivations sont mentionnées :
• gagner un peu d’argent supplémentaire
• acheter à des prix plus bas
• trouver des articles de mode variés (mais aussi des produits pour enfants notamment lorsque vos enfants grandissent si vite !)
• mais aussi s’engager dans une consommation plus responsable, en adoptant le principe de l’économie circulaire, qui est le cœur de notre plateforme.
Les jeunes générations sont également celles qui ont une conscience aiguë des défis environnementaux qui les attendent. Nous pouvons tous être témoins de ce mouvement à l’échelle mondiale, pour la mode mais pas que. Je crois sincèrement qu’il n’y a pas d’autre choix. Les gens cherchent de plus en plus à donner la priorité à des solutions plus respectueuses de l’environnement qui ont également un impact sur leur pouvoir d’achat.
IN : On a coutume de dire que les marques vont jouer un rôle primordial dans l’avenir de la planète. Qu’en pensez-vous ?
T.P. : Les consommateurs, les marques et la politique ont tous un rôle à jouer pour créer des solutions plus durables, des discussions sont en cours et des actions sont prises. Les habitudes de consommation changent, comme nous le constatons au sein de notre communauté, et des organisations comme la nôtre s’efforcent de poser des questions critiques et d’apporter des solutions. Il ne devrait pas y avoir de dichotomie, mais seulement des solutions communes à ces défis importants.
IN : Voyager moins, manger différemment, adopter le vivre ensemble sont-ils seulement des tendances selon vous ?
T.P. : Je suis très optimiste pour l’avenir. Il est impossible d’échapper au fait que la crise a été et continue d’être très difficile pour tant de gens. Cependant, je crois que nous vivons une période où les tendances s’accélèrent et j’espère que certains des changements positifs qui sont intervenus au cours des mois précédents, même s’ils sont mineurs ou s’ils sont considérés comme des « tendances », seront ancrés davantage. Chez Vinted, j’ai été impressionné par la capacité d’adaptation et la résilience de nos employés, par exemple dans le passage au télétravail. Et maintenant que nous avons ouvert notre nouveau siège social à Vilnius avec des bureaux respectueux de l’environnement, nous continuons à vivre selon notre mission et à encourager nos collègues à adopter des comportements positifs au travail. Les solutions que nous avons mises en œuvre sont, par exemple, la réduction des déchets alimentaires et de la consommation de plastique, un environnement adapté aux personnes ayant des besoins spécifiques, des meubles recyclés, un bâtiment économe en énergie, ou encore 100 places de stationnement pour les vélos.
Cristina Alonso
Cet article a été tiré du site INfluencia, par ici !